Il y a des dégustations que l’on ne peut pas refuser et celle-ci est certainement mon plus beau cadeau.
Initié par Romain Iltis pour un article dans la RVF, je me retrouve dans la salle Capitulaire du château de Kientzheim entres restaurateurs, sommeliers et vignerons pour ce que l’on annonce comme la plus belle série de vins issue de la cave de Confrérie Saint Etienne. Je ne suis pas du genre à être intimidé par les participants mais avec Caroline Furstoss, Serge Dubs, Romain Iltis et Jean-Baptiste Klein à table sans oublier Nicolas Groell, il va falloir éviter de raconter des conneries le verre à la main !!
Alsace Grand cru Rangen de Thann riesling 2008 Clos Saint Théobald Domaine Schoffit
Nez légèrement confit sur des notes d’agrumes. L’attaque est charnue, souple avec une acidité croquante avant un milieu de bouche plus ample. Finale minérale qui s'étire. Un vin beaucoup trop jeune qui commence à peine à lever le voile mais je n’ai aucun doute sur la poursuite de sa carrière. Généralement on termine une dégustation avec un Rangen ! Le sourire me vient en imaginant la suite de la journée. 17/20
Alsace Grand cru Zinnkoepflé riesling 2008 Cave de Westhalten
Nez grillé semblant déjà un peu vieux et évolué sur la croute de pain, le cuir. L’attaque est large sur une acidité souple, petite rondeur sur une minéralité puissante mais l’ensemble manque toutefois de grâce et de définition. Je ne maitrise pas trop ce secteur alsacien et encore moins cette cave mais tout cela manque d’âme. 14/20
Alsace Grand cru Brand pinot gris 2005 Domaine Josmeyer
Nez net, ample, au fruité expressif plutôt jaunes, exotique, nèfle, anis, menthol, sous-bois noble et fougère. La bouche est riche, ample en accord avec le nez sur une acidité ciselée, une minéralité puissante comme souvent sur ce terroir, symbole de force et de délicatesse. J’ai souvent ouvert les rieslings de ce domaine mais je commence à me demander si ce n’est pas cette cuvée qui est leur fer de lance, la dégustation récente du 2010 semble confirmer cela. 18/20
Alsace Gewurztraminer 2004 Collection Kuentz-Bas
Nez qui accroche un peu, évolué, fleurs sèches, sous-bois, pointe grillée. Moelleux en bouche avec une belle fraicheur, frétillant, sapide avec de beaux aromes en retro. Finale serrée, minérale. Ce millésime n’est pas le plus simple en alsace avec souvent des nez verts qui fleure bon l’asperge et le persil. La gamme « collection » est l’intermédiaire entre « tradition » et « trois châteaux ». 15/20
Alsace pinot auxerrois 1998 Domaine Barmes-Buecher
Nez sur la noisette, le laurier, les herbes aromatiques dans un style net et pur. La bouche est sphérique, faussement légère avec beaucoup d’élégance, de délicatesse avant une finale salivante, percutante et profonde. Belle finale. Et boom, encore un « pinot blanc » qui tape dans le mille et j’en ai dégusté beaucoup cette année… 16/20
Alsace Grand cru Hengst riesling 1998 Domaine Barmes-Buecher
Nez puissant, complexe sur la réglisse, les fruits jaunes et le pralin. La bouche est dense, puissante en attaque mais sans grande émotion, sur des arômes évolués avant une finale qui tombe un peu. Pas le premier 1998 un poil fatigué que je goute cette année. L’Auxerrois précédent est bien plus jeune en apparence. 15/20
Alsace riesling Grafenreben de Zellenberg 1997 Domaine Bott-Geyl
Nez net sur le citron assez et plus classique sur les fruits jaunes. La bouche est tranchante, vive, étroite avec une bonne densité, de la franchise et du dynamisme. Un vin éclatant, frais et intens sur un beau millésime. 15/20
Alsace Grand cru Hengst gewurztraminer 1996 Domaine Zind-Humbrecht
Nez sur la truffe, la coquille d’œuf, les épices sans la moindre trace de cépage. La bouche est souple, moelleuse avec une acidité dense structurant le vin en longueur. Un gewurztraminer ½ sec, avec une puissance dingue sur un fond torréfié. Grande finale équilibrée malgré la puissance et la richesse. Une vendange récoltée à 15,9° potentiel pour finir dans le verre à 14,6° d’alcool et 18 g/L de SR. Des chiffres étourdissants que seul Olivier Humbrecht semble maitriser. 19/20
Alsace pinot gris Réserve Personnelle 1990 Domaine Bott Frères
Superbe nez sur le thé, des notes fumées, des touches torréfiées. La bouche est élancée, ½ sec sur une fine liqueur dans un très beau et subtil touché de bouche, d'expression plus jeune que le nez. Minéralité juteuse, pour ce vin éclatant en finale. 17,5/20
Alsace gewurztraminer Coteaux de Wettolsheim 1989 Domaine Stentz-Buecher
Nez herbacé et frais sur l’anis, le poivre blanc. La bouche est dense, fine, fraiche et élancée dans un style droit et sec assez particulier sur un gewurztraminer dont on aime souvent la rondeur et l’exubérance. 16/20
Alsace Grand cru Schoenenbourg riesling 1988 Preiss-Zimmer
Nez confit sur les agrumes, le cuir neuf, la tourbe. L’acidité est métallique pour ce vin qui n’est malheureusement pas ou plus totalement en place. Finale sur le bonbon au sureau, le bourgeons de cassis. 13,5/20
Alsace grand cru Brand Muscat 1987 Domaine Auguste Hurst
Nez peu flatteur, terreux et fatigué. Dommage car ce domaine produisait de grands vins dans les années 70-80. NN
Alsace grand cru Furstentum Riesling 1985 Domaine Paul Blanck
Nez curieux, complexe mais pas très attirant. Acidité dure et présente sur une bouche manquant de corps avec des touches de café froid. Curieux de voir ce vin à ce niveau car j’ai déjà gouté beaucoup de vieux millésimes chez Blanck. Cette bouteille semble avoir un défaut. NN
J’en profite pour relayer les différentes dégustions que j’ai effectuées au domaine Paul Blanck avec l’ami Philippe.
Alsace gewurztraminer 1984 Domaine Becker
Nez sur le sous-bois, le pétard, les fruits jaunes, l’ail des ours et autres notes végétales. La bouche est raide sur une acidité un peu malique qui a au moins le mérite de tenir éveiller le breuvage. Le vin n’est absolument pas mort mais 84 est sans doute le plus petit millésime de la décennie voire du siècle dernier. Dans l’absolue cette bouteille ne s’en sort pas si mal que cela dans le contexte du millésime et de la dégustation qui en regard du niveau de va épargner personne. 12/20
Alsace riesling 1983 Marcel Deiss
Nez sur la boite à pharmacie, le camphre avec d’autres notes herbacées. La bouche est ample, sèche avec une bonne structure, une petite touche minérale, des arômes de cassis et une acidité nerveuse avant une finale dense et tannique. Ensemble un peu austère et strict mais encore plaisant. 1983, millésime solaire a produit des vins denses et très mûrs évoluant parfois sur des notes un peu cuites. 15/20
Alsace tokay d’Alsace 1976 Cave d’Eguisheim
Nez sur la pomme, la poire façon compote avec des relents plus exotiques. La bouche présente une bonne mâche avec une structure complexe et juteuse sur une acidité pointue avant une finale acidulée. Encore une belle bouteille de cette cave coopérative qui faisait bon à cette époque-là et depuis les années 60. Aujourd’hui les vins sont souvent moins intéressants sous l’étiquette Wolfberger. 17/20
Alsace gewurztraminer Clos Zisser 1974 Domaine Klipfel
Nez sur la noisette, le zeste d’orange et le café. La bouche est ronde sur une acidité simple mais présente, avec une aromatique en berne, des amers et une finale courte. Pas de bol pour les natifs comme moi de ce millésime pas terrible mais le domaine a encore de quoi faire et dans des millésimes bien meilleurs. 13/20
Alsace riesling Réserve Spéciale 1971 Domaine Weinbach, Faller frères
Pointe de pétrole au nez, fruits blancs d’une belle pureté et touche de cuir neuf pour souligner l’âge. La bouche est dense, sèche, fraiche et subtile sur le zeste d’agrume franc, une finale qui se serre et gagne encore en densité. Longueur interminable et divine. Encore une superbe bouteille après le Gewurztraminer sur le même millésime. Deux grands Weinbach 71 en 1 semaine ! Je suis comblé et le répète encore et toujours, cette maison est la définition de la Classe à l’Alsacienne. 19,5/20
Alsace sylvaner Sélection 1969 Wischlen
Nez net sur les herbes aromatique, la sauge, le menthol, le camphre et le poivre blanc. La bouche est grasse, assez fluide dans un style ample et généreux, opulent même avec un peu de fond mais tellement de charme et de présence qu'il est sans discussion au sommet de cette série. Cette maison de Westhalten n’est pas très réputée et pourtant elle semble pouvoir aligner les réussites dans ces millésimes-là, car ce n’est pas le premier que je goutte à ce niveau. 18/20
Alsace « grand cru » riesling 1968 Domaine Hugel
Nez confit, torréfié noble et classieux avec des notes médicinales. La bouche est ample, une acidité précise dans une structure souple, grasse et assez fluide malgré tout. De beau reste pour ce vin issu d’un des plus petits millésimes alsaciens de tous les temps. A noter la mention grand cru sur l’étiquette, une curiosité de l’époque car le domaine ne revendiquait pas à cette époque la notion de grand cru sur ses étiquettes, et surtout l'appellation n'existait tout simplement pas puisqu'elle naquit en 1975 avec le Schlossberg comme premier terroir. Tout au plus voyons nous aujourd’hui la gamme « Grossi Laüe » apparaître pour remplacer la cuvée Jubilee provenant du grand cru Schoenenbourg. 17/20
Alsace gewurztraminer 1966 Domaine Jean-Baptiste Adam
Nez discret, élégant, délicat sur la fougère et des notes allant du jasmin au chèvrefeuille avec une fine note d’évolution. La bouche présente une plénitude évidente sur une structure très fine et précise avec une délicatesse, un touché de bouche parfait dans une finesse extrême. Simplement superbe. Le vin qui fait un effet « Whaou » autour de la table. Un vin parfait surtout lorsque l’on pense qu’il a 51 ans !! 20/20
Alsace riesling Clos Sainte hune 1959 Domaine Trimbach
Nez austère sur le cuir neuf. La bouche est ample, puissante, bien assise avec de la densité, un coté virile indéniable, une sapidité ferme et toute masculine. Un grand vin et sans doute l’étiquette alsacienne que tout le monde s’arrache dans un énorme millésime, hors norme. Je ne sais même pas si cette bouteille à aujourd’hui une cote, sans doute celle d’un Montrachet de la même époque ! 19,5/20
Alsace gewurztraminer 1953 Domaine Edel Frères
Nez sur la sauce soja, des notes grillées, torréfiées sur le café non sans un petit côté terreux, gentiane, cumin. La bouche est grasse, moelleuse avec une acidité dingue qui balance parfaitement le vin pour trouver un équilibre haut perché. Vin très aromatique et encore plaisant. Alors là, je suis une fois de plus bluffé par la qualité de ce vin provenant d’un domaine dont je n’ai jamais croisé la moindre bouteille. Ce domaine existe encore et il exploite ce cépage sur le grand cru Mandelberg, certainement la clé de la conservation de ce ‘53. 18/20
Alsace riesling Riquewihr 1921 Collection Méquillet
Robe brillante. Nez frais sur la pêche, le chocolat blanc, les herbes aromatiques comme la sauge puis des notes complexes façon ancienne Marie Brizard ou Chartreuse. La bouche est d’une extrême fraicheur, sur une structure fine mais très dense, concentrée dans un ensemble qui file droit sans trace d’oxydation. Finale dans la continuité, fraiche, longue. Riquewihr et étroitement lié au Schoenenbourg et ce riesling de 96 ans doit certainement provenir de ce bout de terre bénit des dieux. Que dire de plus sauf merci pour le privilège de gouter à un Alsace aussi vieux. 20/20
Alsace riesling 1911 Collection Méquillet
Nez sur l’abricot mûr, les fruits exotiques, puis blanc comme la poire williams, l’anis. La bouche est ronde en attaque puis plus franche voire même un peu strict sur une acidité dense et encore très jeune. Un vin au profil un poil spartiate, très sec en finale, pas d’une complexité folle mais qui va continuer encore longtemps sa vie à ce rythme. Provenant certainement de Riquewihr comme la majorité des vins de la collection, un peu moins à son aise que son cadet. 16/20
Alsace Tokay-Riquewihr 1895 Collection Méquillet
Robe acajou avec pour ma part beaucoup de dépôt mais je suis en bout de service. Nez sur le café froid, la quetsche, mais aussi plus noble comme la cerise, le chocolat. L’acidité est vivante pour ce vin qui se pose tranquillement en bouche avec une structure dense et beaucoup de largeur et de minéralité. Un vin au vieillissement extrême de presque 122 ans qui est allé au bout de son oxydation sans oxydation. Moins éclatant que le 1921 mais tout à fait respectable. 17/20
Cette dégustation de trois bouteilles de la fameuse collection Méquillet ma offert la possibilité d’entrer dans le club des personnes ayant gouté des vins de 100 ans et plus, qui plus est, de ma région. Mon plus ancien vin alsacien datait de 1942 soit 47 ans plus jeune que le 1895 ! Il reste aujourd’hui dans cette collection 250 bouteilles, de quoi faire tourner encore quelques pages d’histoire de notre vignoble.
Voilà donc pour cette dégustation prestigieuse organisé pour la RVF.
Nous n’avons pas eu beaucoup de chance avec les vins des années 80 avec pourtant de belle maison comme Hurst ou Paul Blanck mais toutes les bouteilles, même les meilleurs évolues de façon différente.
Une autre sélection d’apparence plus modeste nous attend pour accompagner notre repas, les notes de dégustations sont plus évasives mais le cœur y était.
Alsace muscat d’Alsace 1971 Maison Heim
Nez complexe, floral avec des touches anisées. La bouche est ample avec du gras dans un corps souple mais juteux avec un coté gourmand et une acidité bien en place. Finale dense. 15/20
Alsace pinot blanc 1987 Domaine Gérard Schueller
Nez herbacé, discret sans exubérance. La bouche est gourmande, ample, généreuse, ½ sec. Correct sans plus d’émotion dans ce millésime froid et pas simple. 14,5/20
Alsace pinot blanc Clos Saint Landelin 1985 Domaine A&O Muré
Nez sur le foin, le cuir. La bouche est dense, fine, bien assise sur une structure de terroir avec une petite acidité souple. Encore une belle bouteille du clos des années 80 ! Bravo les Muré. 16/20
Alsace riesling réserve particulière 1988 Domaine Kuehn
Nez passerillé sec sur une bouché fatiguée.
Alsace riesling Drei Exa 1983 Domaine Paul Ginglinger
Nez curieusement froid sur un millésime chaud avec des fleurs et des herbes aromatiques. La bouche est lisse, fluide sur une acidité très tendue dans un profil ½ sec avec du gras. Un vin assez étroit dans son expression mais fort agréable à boire. 16/20
Alsace grand cru riesling 1970 Bott-Frères
Nez confit, anisé sur des relents de végétal noble. Bouche généreuse, croquante, souple sur un fond assez simple mais l’ensemble est bien fait et a admirablement passé les années. 17/20
Alsace gewurztraminer 1983 Cave de Turckheim
Nez floral sur des touches de cuir. La bouche est serrée, sèche, dans un style facile duquel se dégage une plénitude évidente. Très beau vin encore jeune et frais sur une belle finale dense. 16,5/20
Alsace gewurztraminer 1976 Domaine Edmond Rentz
Nez frais sur les fruits jaunes. La bouche est grasse, assez lisse, glissante avec de la largeur dans la franchise. Vin de soif de 40 ans d’âge ! 15/20
Alsace gewurztraminer 1973 Domaine Josmeyer
Bouchonné alors que la bouteille a été rebouché ! Un mal pour un bien. Dommage.
Alsace gewurztraminer sélection 1967 Dopff & Irion
Nez complexe, profond sur les fruits jaunes voire exotiques. La bouche est ciselée, grasse dans un style encore serré, tactile et frétillant avec une acidité un peu mordante mais précise. 17/20
Que retenir d’une telle dégustation, et bien toujours la même chose !
La garde des vins d’Alsace est phénoménale pour peu que la noblesse de l’origine soit au rendez-vous, idée plus généralement admise dans les années 60 et 70 qu'aujourd'hui avec tous ces vins de plaine sans le moindre intérêt.
La chose n’est donc pas simple pour celui qui débute où qui ne s’intéresse pas particulièrement à cette région mais les vins d’Alsace gagnent à être connu. Pour cela il faut comprendre et assimiler…
-les 13 cépages
-les 13 types de sols
-les 51 grands crus
-les 800 lieux-dits
-les futurs 250 ou 400 1ers crus
-les différents équilibres
-les maisons qui font bons, souvent, tout le temps voire jamais.
D’autres région comme la Bourgogne ont réussi le tour de force de condenser toutes ces notions dans le nom et la réputation d’un village, là-bas, en deux mots la messe est dite.
Tout ceci pour vous expliquer qu’une telle série de réussites n’est pas le fruit du hasard mais d’un travail rigoureux du vigneron dans sa vigne, dans sa cave pour proposer le meilleur de son travail au Sigille de la confrérie. Ce dernier ayant sélectionné avec professionnalisme et parfois audace les vins qui vont représenter la région au fil du temps. Par contre, lorsque tous les feux sont au vert je ne vois pas quelle région pourrait rivaliser avec autant de facilité et d'aisance, presque d'insolence !
La confrérie permet en outre de mettre en lumière des domaines peu réputés comme Edel Frères, Wischlen, la maison Heim en proposant de les confronter aux locomotives de la région que sont par exemples Zind-Humbrecht, Josmeyer, Hugel ou Trimbach. En 2011 j’avais commencé à lister tous les vins alsaciens de plus de 20 ans que j’avais dégustés, et bien en voilà 28 de plus en 1 séance !!
Merci à la Confrérie et au major de cette année pour ce beau cadeau.
Stéphane