Cet article fait suite à celui d’un amateur relatant sa mauvaise expérience dans un domaine alsacien. Le but n’est pas de challenger son expérience mais de donner mon point de vue sur l’accueil chez le vigneron et surtout son intêret.
Dans un premier temps, il est bon de remarquer que des principales régions viticoles françaises, l’Alsace est l’une des dernières à accueillir le client de passage, 08h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00 en précisant parfois qu’il faut téléphoner avant pour être certain d’être reçu. Certains domaines précisent toutefois que le caveau est fermé le dimanche et pendant les fêtes afin de se garder un semblant de vie de famille. Il n’est pas rare cependant de voir débarquer des « acheteurs potentiels » le 31/12 à 17h00 pour un before, enfin non, pour découvrir la carte des vins, alors que le panneau fermé est bien sur la porte. Le vigneron ne fait pas la fête lui, il reçoit gratuitement en espérant ne pas recevoir les foudres du client lorsqu’il lui demande de lever le camp vers 19h00.
Cet accueil est une chance pour nous mais il est également prit pour un devoir, une sorte d’obligation par certain qui veulent être reçus, et bien reçus, pas debout avec un seau entre les jambes, pas adossé à un tonneau ou entre deux marches de la cave mais dans un caveau, propre et avec des Riedel de préférence car il a remarqué dans ses expériences que le verre fait beaucoup dans l’appréciation du vin. Recevoir n’est pas le métier premier d’un vigneron et même si des progrès énormes ont été fait dans les caveaux, son objectif et de faire du vin comme le berger fait son fromage !
On peut se poser la question de l’intérêt à aller dans un domaine viticole lorsque les vins sont disponibles sur le marché et au même prix. Je ne connais personne visiter l’usine de Sochaux avant de commander sa Peugeot !! Pourquoi alors se déplacer sans arrêt pour « faire les caves »
Chez le vigneron on peut boire gratuitement du vin à l’heure de l’apéritif tout en achetant 3 bouteilles de sylvaner par respect pour le vigneron, après tout il le vend déjà cher son sylvaner et son riesling n’est pas bon. Parler terroirs et traditions séculaires ou alors simplement pour jouer le connaisseur chez les amis. J’ai gouté chez Weinbach, ça fait toujours bien sur un CV d’amateur, cela donne de la grandeur et en quelque sortes une forme de reconnaissance.
Mais qui va chez Pichon Comtesse avant d’acheter une caisse de 12 chez Leclerc, qui va chez Chave pour voir si le nouveau millésime est à la hauteur des espérances, qui va à la DRC pour faire la série de terroirs et confirmer des propos ancestraux qui veulent que Saint Vivant n’est pas au niveau de La Tâche. On ne se pose même pas la question avec les grandes maisons de Champagne qui font payer la visite suffisamment chère pour éloigner le curieux de passage qui veut se mettre à l’abri les jours de pluie.
Pourquoi les grands noms de l’Alsace, Weinbach, Zind-Humbrecht, Boxler ou Josmeyer pour n’en citer que quatre devraient prendre le risque de recevoir le client de passage. Pourquoi cette région devrait être en dessous des autres et se plier à cet usage qui avec les moyens de commercialisation actuel n’a plus de sens. Le japonais ne passe pas aux domaines mais connait certainement mieux les vins que le français qui veut y passer. Nul n’est prophète en son pays.
Que gagne le vigneron à accueillir les clients lorsque 75% de ses ventes se font à l’export. Certain l’on compris d’autres pas encore et si Zind-Humbrecht vend plus cher au caveau qu’en Belgique c’est pour payer les couts de personnel servant ses breuvages dans des Riedel en face du Brand, dans une salle design, avec l’espoir de croiser Olivier Humbrecht en combinaison de travail remontant de la cave (vite mon APN !!) 6 palettes se vendent seules et il faut servir 1 bouteille pour vendre 6 bouteilles !
Et si la notoriété de la région passait par des portes closes et des ventes uniquement chez les cavistes ou par allocations comme pour Coche-Dury, Dauvissat ou autre Dugat-Py ! Ces derniers peuvent vous recevoir avec l’humeur qu’ils veulent leur notoriété est faite et il n'y a rien à vendre. Mais ils ne prennent aucun risque supplémentaire à mal recevoir un client et de se voir crucifier en place publique.
La solution peut passer par des maisons des vins gérées localement. La maison des vins de Ribeauvillé, de Scherwiller ou de la couronne d’Or comme on trouve celle de Pommard ou de Pouilly-Fuissé par exemple avec des vendeurs et vendeuses qui sont là pour servir et tailler le bout de gras.
La notoriété et la grandeur d’un domaine, et par là d’une région, passe par la qualité de ses vins mais passe aussi par l’inaccessibilité de ses grandes bouteilles et tant que l’on pourra pousser la porte d’un Deiss ou d’un Mann à 11h00 pour s’en jeter un petit dans le gosier avant la flamenkuch cette région restera dans l'esprit des gens celle des vins de soifs qui font mal au crane
Stéphane