L'Alsace est pleine de traditions surtout en cette fin d'année. Vin chaud, marchés de Noël , bredele, choucroute nouvelle... Une autre tradition consiste, pour les amoureux du vin d'Alsace, à se mettre autour d'une belle table pour fêter le riesling au travers des meilleurs terroirs de la région. Cette manifestions se nomme Variations gastronomiques autour du riesling. Elle est organisée depuis 2001 par Thierry Meyer, initialement sous le nom de « 24 heures du Riesling ». Si le thème est immuable, le rythme a changé. Passant d'un dîner avec 30 vins suivi d'un repas le dimanche pour se remettre de la veille, à une soirée avec 12 bouteilles sélectionnées sur le volet parmi les meilleures productions sur plusieurs décennies. Un dernier point reste inchangé, la fidélité à la Taverne Alsacienne à Ingersheim et son chef d'orchestre, Jean Philippe Guggenbuhl.
Salade de homard, vinaigrette à la mangue et miel de thym
Alsace Grand Cru Wineck Schlossberg riesling 2008 Domaine Jean Marc Bernhard.
Robe dorée. Nez précis, grillé sur le silex, la pierre à fusil, le citron, la lime dans un style encore jeune. La bouche est aérienne, légère avec une acidité un poil mordante comme on peut en trouver sur ce millésime. Finale sèche. Encore un vin de ce domaine qui me laisse perplexe, après le 2006 dégusté récemment. Ce grand cru granitique ne va pas suivre le plat, trop complexe pour sa colonne vertébrale qui semble trop juste.
Alsace Grand Cru Schlossberg 2006 Domaine Weinbach
Nez sur les épices rappelant les senteurs de Noël avec de la cannelle, de la noix de muscade sur un fond fruité. L'ensemble est propre en regard de ce millésime pas simple en Alsace. La bouche est ample, sapide, complexe avec une acidité assez diffuse, sans excès. Ce Schlossberg va gagner en fraîcheur sur le plat, il va même réussir le tour de force de l'accompagner un certain temps.
Les produits de la mer appellent les terroirs calcaires. Le Wineck Schlossberg ne va pas se sortir de cette situation délicate. Le Schlossberg est bien plus en place, mieux construit pour supporter la puissance du plat. On peut donc trouver des exceptions à cette règle.
Dos de cabillaud sauvage saisi à l'ail des ours, cèpes de Labaroche
Alsace riesling cuvée Frédéric Émile 1990 Domaine Trimbach
Nez sur la coquille d'huître, le thé à la menthe. La bouche est sèche, très ample et profonde solidement construite avec beaucoup d’assurance. Un vin taillé dans la roche avec cette acidité fondue mais intense qui prolonge le plaisir. Un vin simplement grand, évident.
Alsace Grand Cru Altenberg de Bergbieten riesling cuvée Henriette 1989 Domaine Frédéric Mochel ( magnum)
Nez confit, provenant d’une vendange légèrement botrytisée, sur le miel, les notes fumées, l'écorce d'orange avec une touche végétale. La bouche n'est pas si lointaine du FE 1990 avec toutefois la présence de cuir qui signe une évolution plus avancée malgré la conservation en magnum. La structure très légèrement dissociée, moins cohérente place le vin un cran en dessous du précédent même si le niveau reste élevé.
Dans cette opposition, le Trimbach l’emporte d’une courte tête, il va parfaitement se plaire avec le poisson. L’Altenberg va accompagner les champignons et la sauce avec son côté un peu plus riche, plus évolué.
Bille surprise.
Alsace riesling Heimbourg 1998 Domaine Zind Humbrecht
Robe dorée avec des reflets cuivrés. Nez sur la crème d'orange, avec des relents torréfies sur le café, des touches fumées le tout agréablement botrytisés. La bouche est moelleuse avec ses 22 g de SR, douce dans son expression avec une bonne concentration et un soyeux impeccable. Tout est en place sur ce vin qui n’est pas le plus réputé de l’immense gamme du domaine.
Alsace riesling Pflanzenrreben 1988 Domaine Rolly-Gassmann
Nez de plastique sur un fond tertiaire, fumé avec des touches de menthe sèche. La bouche est mordante, tonique, dynamique, un peu troublante il faut bien l'avouer. Le plat va faire apparaître un côté métallique pas très agréable sur ce riesling. La dureté du millésime à fait son effet.
La bille de foie gras a été préparée par le fils de JP Guggenbuhl. Elle est remarquable avec toutes les épices de Noël et sa gelée de gewurztraminer mais les deux vins sont très loin de faire le poids, complément écrasés par les senteurs et les saveurs.
Fromage de Jacky Quesnots.
Alsace Grand Cru Hengst vendanges du 22 novembre 1983 Domaine Josmeyer
La robe est encore très claire. Nez herbacé mais net avec des touches de fleurs sèches, de camphre, d'eucalyptus, de boite à pharmacie. La bouche est très aromatique, d’impression sèche et puissance avec beaucoup de matière sur un fond épicé. Le terroir tardif du Hengst a eu besoin de cette récolte tardive pour s'exprimer au mieux. Une cuvée connue aujourd'hui sous le nom de Samain.
Alsace Kitterle 1961 Domaines Schlumberger
Trois bouteilles pour cette soirée dont une morte, une moyenne et une au top. Nez de sous bois, le mousseron avec des relents de fleurs. Il parait bien plus jeune que ses 50 ans. La bouche est fine, très dense, parfaitement sèche, longiligne avec une structure en filigrane. Encore une grande émotion avec un Alsace d'un autre temps. On va finir par trouver cela normal.
Minestrone de fruits de saison et son sorbet.
Alsace riesling Herrenreben 2007 vendanges tardives Domaine Schoenheitz
Nez toujours jeune sur les fruits blancs juteux et des notes de cailloux et de poivre blanc. Les saveurs explosent en bouche qui se pare de dentelles, l’ensemble est d’un grand raffinement. Vin très précis, avec une acidité centrale expressive et ferme sur un moelleux bien dessiné. La finale est plus souple et appelle la seconde gorgée, le verre ne touche plus terre. On ne présente plus ce vin qui est sur toutes les bonnes tables.
Alsace Grand Cru Muenchberg 1990 vendanges tardives Domaine Ostertag
Nez sur la crème anglais, la coquille d'œuf et des fragrances fumées. La bouche est racée, fine, étroite, aérienne sans lourdeur comme souvent sur ce type de terroir drainant et précoce.
Toujours le même fantastique accord entre les fruits et le riesling de Schoenheitz. Je suis un peu passé à coté de celui d’Ostertag, fin de soirée oblige.
Fin de soirée…..
Très belle série de vins sur différents types de terroirs avec les grands noms de la région. Confirmation que le homard, sous son aspect délicat appelle un vin de calcaire comme compagnon même si le Schlossberg de Weinbach a presque supporté le voyage.
Le foie gras préparé aux épices demande de très grosses cartouches sur des terroirs profonds et peut être plus jeune, pour opposer une fougue juvénile à la complexité du plat. Et que dire de la paire 83-61. Quel bonheur de tremper ses lèvres dans un vin de trente ans ou cinquantenaire pour le Kitterle. A ce propos, la robe d’un grand blanc de cet âge doit rester claire. Il n’y a pas de raison qu’elle tourne au brun comme on le lit trop souvent. Le nez doit également rester pur et net, un riesling vieux n’est pas un Château-Chalon en puissance. Pour finir, le domaine Schoenheitz qui se mêle aujourd’hui au plus grands sur les tables de la région est le domaine que je recommande vivement en ce moment.
Stéphane