Les domaines Schlumberger sont vraiment à part en Alsace, voilà le sentiment que j’ai eu en quittant Stéphane Chaise, le DG du célèbre domaine de Guebwiller. Tout commence par le « S » des « domaines » car on parle bien DES Domaines Schlumberger. Ne cherchez pas plusieurs domaines viticoles réunis sous une unique étiquette, le « S » provient de l’addition des domaines forestiers, au pied du grand ballon, au domaine viticole, mais là ne s’arrête pas la singularité de cette maison car tout ici n’est que démesure, mais démesure à taille humaine ou ce dernier prend une part importante dans la vie de l’entreprise. Un domaine familiale, juste un peu plus grand….
carte des grands crus (source site du domaine)
Les domaines Schlumberger sont propriétés de la famille Schlumberger, grande famille d’industriels alsaciens dont on distingue plusieurs branches. Fabrication de machines textiles, prospection pétrolière et équipement électrique, le cinéma avec Gaumont Pathé, la Banque d’affaire.
Le vignoble a été créé par Nicolas Schlumberger en 1810 qui pour montrer son attachement à la terre a acheté de la vigne tout en conservant son activité de fabricant de machine textiles. Aujourd’hui le domaine orchestre une mosaïque de parcelles sur 140 hectares intégralement sur la commune de Guebwiller dont 70 hectares de grands crus Kessler, Kitterle, Searing et Spiegel. En fait, quasiment tout le coteau est propriété Schlumberger, et rare sont les parcelles n’étant pas dans le giron de la maison. Il s’agit est de loin la plus grande surface privée de vignoble en Alsace. A titre d’exemple, le suivant doit cultiver 50 ha et la moyenne de la région doit tourner autour de 10 ha.
Le grand cru Kitterle
La gestion des 140 hectares est confiée à 65 personnes. Chaque parcelle a son homme qui gère son lopin de terre tout au long de l’année comme sa petite entreprise mais l’affaire n’est jamais simple. Tout commence par les déplacements. Les pentes sont raides donc vive le Defender auquel il faut ajouter un très bon coup de volant pour ne pas se retrouver en contrebas des terrasses. Les fortes pentes de ces coteaux imposent également de nombreux murs pour soutenir tout ce terroir, 50 km pour être précis, tous en pierres sèches, de quoi occuper 2 personnes à plein temps pour maintenir tout cela en état. A raison d’1 km par an, une carrière ne suffit pas pour en faire le tour.
Le grand cru saering au second plan.
Arrive enfin le jour des vendanges nécessitant une brigade de 150 courageux qui vont arpenter les 850 km de rangs de vignes pour rentrer les 70 tonnes de raisins quotidiens. La production moyenne qui en découle est de 800.000 bouteilles soit une moyenne de 42 hl/ha rendement raisonnable pour notre région dont la moyenne doit tourner autour de 80-90 hl/ha.
Un employé en RTT.
Enfin, la distribution se tient dans 47 pays sur les 49 pays où l’on trouve du vin d’Alsace. Pas de vente en GD mais deux partenariats célèbres avec les Caves Nicolas et Delhaize en Belgique. La vente au caveau est également possible mais ce dernier, fort modeste au regard de la taille de l’exploitation, n’accueil pas grand monde.
Question millésime, la grande surface de vignes permet d’entretenir un gros volume de production et le domaine en compte actuellement pas moins de 6 pour le riesling Kitterle avec un 2008 tout juste disponible là ou d’autre domaine sont déjà passés au 2012.
Mais point de visite sans dégustation alors direction le caveau VIP. Magnifique endroit insoupçonnable depuis la cour avec sa monumentale table composée d’une unique planche de la forêt du domaine. Fait juste un peu froid en hiver. Remarquez les alcoves de chaque cotés renfermant les vieux millésimes. Mes coups de cœur sont marqués d’une *
Le caveau VIP.
Pinot blanc Les Princes Abbès 2012 *
Un assemblage de 60% d’auxerrois et de 40% de pinot blanc. Nez net sur les fruits blancs, les épices et des touches fermentaires. La bouche est ronde et franche avec une belle acidité déjà fondue dans le breuvage. Finale épicée. Belle entrée en matière. Encoe un beau pinot blanc, ce cépage revient en force. Bien +
Riesling Les Princes Abbès 2010.
Nez sur des notes d’hydrocarbures avec du miel, de l’ananas, des fruits jaunes et des relents fumés. La bouche est fine assez simple sur une acidité bien en phase avec la structure. Un vin sans excès, avenant, de soif certainement dans une phase un peu ingrate en ce moment. Bien-
Grand cru Saering Riesling 2009 (marno-calcaro-gréseux)
Nez discret, grillé sur le miel et des notes moins fines d’encaustique. La présence de marne dessine une attaque ronde dans une matière serrée, ferme, presque austère. Beaucoup de corps (calcaire) pour cette cuvée qui devra attendre un peu en bouteille pour se libérer. Petite SR en finale mais la matière supporte bien cela. Bien+
Grand cru Kessler Riesling 2008 (gréseux) *
Nez mur, complexe sur l’écorce d’agrume avec des retours fumés. La bouche est élégante, aérienne sur une acidité franche et longue. Beaucoup de précision dans la trame de ce Kessler longiligne et tendu. Très bien +
Grand cru Kitterle Riesling 2008 (volcano-gréseux)
Nez puissant, fruits confit sur des notes sablonneuses. Bonne dose de puissance dans l’acidité qui semble un peu plus dense que sur le Kessler. Le breuvage a plus de jus tout en restant fin, en dentelle mais pour moi ce jour là un cran en dessus. Très bien.
Grand cru Kitterle Riesling 1999.
Nez sur l’écorce d’agrume confit, retour de miel sans oublier la pierre chaude. La bouche est ample en attaque sur une trame minérale marquée le tout posé sur une certaine rondeur, une certaine plénitude. Un riesling déjà d’une autre époque. A noter qu’il y avait 3 cuvées cette année là, celle ci, une vieille vigne et la cuvée Ernest. Bien +
Une partie des foudres.
Pinot gris Les Princes Abbès 2011.
Nez classique et net sur les fruits blancs avec encore des notes d’élevage. La bouche est franche, gourmande avec un équilibre sec tout en étant bien enrobée avec les 11 g de SR. Beau vin de mise en bouche. Bien +
Grand cru Kessler Pinot gris 2006.
Nez sur la mirabelle, la pierre chaude sur des touches torréfiées. La fraicheur est au rendez vous mais l’équilibre est tout de même riche. L’ensemble ne s’en sort pas trop mal au regard du millésime mais ce n’est pas mon style. Bien-
Grand cru Spiegel Pinot gris 2007.
Nez exotique tendant vers l’ananas, l’abricot le tout assez discret. La bouche est moelleuse, éclatante, bien dessinée avec des relents de menthol rafraichissant encore le vin. Très beau vin. Très bien +
Grand cru kitterle Pinot gris 2007 *
Nez très mur sur les fruits exotiques, le coing façon pâte de fruit avec des traces de café. La bouche est ample et large avec beaucoup de gras mais sans la moindre lourdeur avec une minéralité fine. Finale grasse. Excellent.
Gewurztraminer Les Princes Abbès 2011.
Nez sur les épices et les fruits blancs. Bouche fluide, élégante très aérienne pour le cépage avant une finale épicée. Bien+
Grand cru Kessler Gewurztraminer 2007.
Nez sur la truffe et le pain grillé. Bouche sphérique et grasse avec une grosse concentration et toujours cette balance dans la fraicheur. Bonne dose de résiduelle avec 45 g mais cela lui va très bien. Très bien +
Grand cru Kitterle Gewurztraminer 2006.
Nez sur le miel, des notes torréfiées, la reine Claude. La bouche est racée en attaque mais l’ensemble semble heurté dans un profil demi sec. Toujours ce maudit millésime. Bien-.
Riesling Vendanges tardives 2009.
Nez sur la mandarine et le menthol. La bouche est moelleuse, racée et profonde sans perdre la finesse, la délicatesse du Kessler avec cette acidité franche et précise. Très bien +
Pinot gris vendanges Tardives 2010.
Nez discret. Bouche grasse et moelleuse avec 110 g de SR rendant cette fois le vin un peu lourd, malgré l’ampleur il reste trop massif pour l’heure. A revoir. Provient du Spiegel. Bien-
Gewurztraminer Cuvée Christine 2008 *
Joli nez sur la pomme cuite, la pâtisserie, la prune. La bouche est sphérique avec beaucoup de finesse et d’équilibre dans un fond bien frais signant le Kessler. Très bien+
Riesling Cuvée Ernest 1999.
Un domaine unique en Alsace, par sa taille, par sa culture, par son esprit humain disposant d’un extraordinaire patrimoine de vignes que chaque employé entretien avec passion pour le mettre à disposition des générations suivantes. Merci à Stéphane Chaise pour cette belle journée.
Stéphane