Le thème de la dernière Masterclass de l’année 2012 est l’apogée des vins d’Alsace ou plutôt trouver la réponse à la question ; y a t-il un âge standard pour apprécier un grand vin de terroir ? Quelle est l’influence du terroir sur cette appréciation précoce ou tardive et donc, est-ce toujours un crime d’ouvrir le dernier vin du tarif ?
Début de la dégustation avec une paire de vins de Granit.
Alsace Grand Cru Schlossberg Cuvée Sainte Catherine Riesling 2009 - Domaine Weinbach
Nez très jeune, grillé sur la noisette, la fleur d’oranger, formant un ensemble très pur et net. L’attaque en bouche est très fraîche puis arrive une petite rondeur bien assise avec du gras, une acidité fondue. L’ensemble est aérien, sans lourdeur, déjà très homogène. Finale épicée à souhait. 18/20
Alsace Grand Cru Schlossberg Cuvée Sainte Catherine Riesling 2000 - Domaine Weinbach
Robe dorée. Nez évolué avec des notes d’encaustique, de miel, de fruits jaunes, de frangipane, des fruits rouges sur un fond fumé, épicé. La bouche est très sapide, ample avec beaucoup de gras sur une structure sèche à la fraicheur discrète. Une amertume très fine vient finir ce vin très aromatique. 17/20
Très belle entrée en matière. Le 2009, même très jeune est prêt à boire avec son coté abouti et ouvert. Le 2000, du haut de ses 12 ans commence doucement à quitter son apogée même si il pourra encore ravir les palais pendant encore 5 ans.
Suite avec deux vins de Calcaire.
Alsace Riesling Clos Windsbuhl 2008 - Zind-Humbrecht
Robe brillante. Nez épicé sur le bonbon à la framboise, les fruits jaunes, l’acacia, l’amande le tout complétement retenu et assez austère. La bouche est étroite, très minérale, large avec une très forte acidité rendant le breuvage très tonique, percutant. Un vin dans une phase ingrate qu’il faudra garder longtemps pour qu’il s’ouvre. Très grand potentiel de garde, une future bombe de table. 19/20
Alsace Riesling Clos Windsbuhl 2002 - Zind-Humbrecht
La robe est encore plus éclatante. Senteurs complexes de thé avec des fleurs de l’écorce de mandarine, du miel. La bouche est ample, généreuse dans un très gros volume, avec un petit moelleux dans la masse mais rien de lourd. Forte expression de terroir en finale pour se vin un cran en dessous du précédent mais pas loin. 18/20
Le 2008 est complétement fermé et ne va ravir que les amateurs de vins extrêmes. Le 2002 semble commencer sa carrière pour de belles années encore.
Pour finir, terroir marno-calcaire.
Alsace Grand Cru Hengst Riesling Cuvée Samain 2005 - Josmeyer
La robe est or avec des reflets verts. Le nez est très discret, sur des senteurs classiques de fruits jaunes, de poire et des touches balsamiques. La bouche est large, imposante, sèche avec une minéralité centrée. Vin paraissant moins profond que les deux vins précédents mais dévoilant une générosité impressionnante. La finale est en queue de pan, ça explose en bouche. 18/20
Alsace Grand Cru Hengst Riesling Cuvée Saint Martin 1987 - Josmeyer
Nez sur le chocolat, le caramel, la menthe, la coquille. La bouche est fraiche, ferme, dense, strict, assise sur un caillou. Finale acidulée. Encore une belle surprise sur ce millésime qui n’est pas entré dans les anales. 17,5/20
Le 2005 commence à s’ouvrir, on peut l’apprécier dès aujourd’hui après un passage en carafe. Le 1987 est encore en forme et je pense qu’il est comme ça depuis des années.
Conclusion sur ces 6 bouteilles
Comme on pouvait s’imaginer, les vins de granit peuvent se boire jeunes, c’est d’ailleurs pour cela que l’on ne trouve qu’eux dans les spéciales millésimes des revues et autres hebdomadaires viniques. Ouvrez donc vos cartons de Schlossberg, Sommerberg et Brand en rentrant du domaine, vous saurez les apprécier rapidement et sur quelques années. Les vins de calcaire ou marno-calcaire auront besoin de plus de temps pour calmer une acidité bien plus marquée, plus puissante. Même si les vins de granit peuvent passer l’épreuve du temps, les calcaire seront encore là pour les 18 ans du petit.
La prochaine série nous fera descendre les millésimes sur des terroirs variés pour trouver le point de bascule entre la buvabilité et la garde.
Alsace Grand Cru Rosacker 2008 – Domaine Mallo
Robe or avec des reflets verts. Nez sur les fruits rouges, le bourgeon de cassis puissance 10 avec un fond pas net. L’attaque est douce, moelleuse et ample puis un grand creux arrive en milieu de bouche rendant le vin flottant et sans âme. Un Rosacker absolument pas au niveau sans la moindre trace de terroir. Le cassis me fait penser à une vendange trop précoce. 12/20
Alsace Grand Cru Brand Riesling "K" 2007 - Albert Boxler
Robe dorée aux reflets gris. Le nez est discret, grillé avec de belles notes florales, un soupçon de crème brulée. La bouche est aérienne, sphérique, fortement sapide, précise, net mais aussi gouleyante et très avenante. Finale sèche, saline. Le millésime qui a fait exploser le domaine Boxler. 18/20
Alsace Grand Cru Goldert Riesling 2005 - Ginglinger-Fix.
Robe jaune or soutenue. Nez sur le thé vert à la menthe mais aussi le caoutchouc, ce qui est moins agréable. La bouche est douce, simple manquant d’expression avec une faiblesse de concentration. Un vin sur la pente, et pas dans le bon sens. Je ne connais pas trop ce terroir mais 2005 est une belle année pourtant mais je me demande si le riesling à sa place sur ce terroir visiblement tardif, plus enclin à produire des vins de muscat et de gewurztraminer. 14/20
Alsace Grand Cru Eichberg Riesling 2004 - Paul Ginglinger.
Nez parfumé, parlant sur des notes de fruits jaunes et comme toujours sur ce millésime, tout cela est accompagné de la petite note végétale. La bouche est dense, minérale. Ca explose littéralement en bouche. Elle se fait de plus en plus large avec une minéralité qui construit la structure puissante de ce vin. La fraicheur est parfaitement maitrisé. Très belle bouteille dans un millésime pourtant pas simple. 18/20
Alsace Grand Cru Sommerberg Riesling 2003 - Domaine de l'Oriel
La robe est d’une teinte assez soutenue. Le nez fait penser à un Condrieu avec des relents de fruits jaunes, d’abricot, de pâte de fruits, de raisin sec, de cuir. La bouche est ronde avec une forte présence de réglisse donnant du caractère à cette richesse. L’acidité est muette mais le vin reste agréable grâce à la minéralité du terroir qui lui sauve la mise. La fin de bouche est moyennement longue. Un vin à boire. 16/20
Alsace Grand Cru Florimont 2005 – Bruno Sorg
Nez sur la croute de fromage, le bouillon de légume. La bouche est juste acide sans structure et complétement verte. Je ne comprends absolument rien à cette bouteille mais il faut dire que le Florimont est un terroir que l’on croise très peu même si je pense que l’on doit pouvoir en tirer mieux. 8/20
Alsace Grand Cru Saering Riesling 2002 - Domaines Schlumberger
Nez sur le zan, la pierre à fusil dans un registre assez discret. L’attaque est très saline, minérale, sèche. L’ensemble est propre est net mais la structure est toutefois un poil dissociée et la finale est légère. Le niveau de la dégustation est élevé, cette bouteille est juste un cran en dessous des meilleurs. 16/20
Alsace Grand Cru Saering Riesling 2001 - Domaines Schlumberger
Nez sur les épices, le pain, l’eucalyptus, le froment, la pierre à fusil. La mise en bouche est fraiche avec la même structure que le 2002 mais plus ample, plus brutale même avec quelques sucres comme souvent en 2001. Mais cette rondeur lui va très bien, elle canalise la puissance aromatique de ce Saering à la finale longue sur les épices. Grand vin récolté un poil plus mûr sur ce millésime. Très grand plaisir avec un vin de Schlumberger. 18,5/20
Alsace Grand Cru Altenberg de Bergbieten Riesling 2001 - Cave du Roi Dagobert
Nez pas net, rance. Bouche propre par rapport au nez mais un peu lourde dans son expression. Manque de définition, de caractère et certainement de concentration sur une acidité ferme. A finir rapidement. 13/20
Alsace Grand Cru Altenberg de Bergheim Riesling 1999 - Gustave Lorentz
Nez parfumé, fleurs blanches, épices avec des senteurs de tabac. La bouche est stricte sur une bonne structure et l’ensemble est austère, bien fait, dense et profond. Un vin pas très drôle qui va droit au but, sans concession. 17/20
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Alors finalement, faut-il garder tous les vins de terroirs alsaciens ? Entre trop tôt et trop tard cette série a permis d’identifier quelques pistes pour toujours se faire plaisir. Pour un plaisir immédiat, privilégier les granits – Schlossberg, Brand, Sommerberg, Frankstein – le style avenant, aérien, rarement lourd ce ces vins là vont vous ravir rapidement. En buvant ces granits, encaver des vins plus puissants, de calcaire comme le Clos Windsbuhl, Rosacker. Entre ses deux styles, des vins provenant de terroir plus complexes avec des marnes, comme les Schoenenbourg, Mambourg, Kirchberg de Ribeauvillé, moins austères dans leurs primes jeunesses pouvant s’apprécier plus rapidement que les calcaires purs.
Mais alors, sans tenir compte du terroir, quel est l’âge moyen pour être certain d’apprécier un vin ? Nous avons bu un 2009 ouvert, un 2008 fermé, un 1999 en pleine forme, un 2005 en bout de course mais un autre en phase d’ouverture. Je pense que l’on peut aujourd’hui, en 2012 ouvrir les 2005 sans trop de crainte. Les granits expressifs depuis quelques années vont être aussi appréciables que les calcaires et marno-calcaire en devenir. Tous les 2002 et 2001 n’étant pas de garde il faudra y prêter attention pour ne pas les rater.
Stéphane