L’Alsace est pleine de lieux-dits mais aussi pleine de lieux communs. A croire que la flute alsacienne est magique. Combien de dégustateur trouvant de la banane dans le beaujolais nouveau, du poivron dans le cabernet d’Anjou, du bois et du beurre dans le meursault, trouvent du pétrole dans riesling. La seule lecture de « riesling » sur une étiquette exprime chez le dégustateur la baignade dans les cuves de pétrole d’une raffinerie. J’ai passé le week-end dernier avec 30 rieslings et pas un seul n’avait ce vilain défaut au nez. Oui défaut, car il s’agit bien de cela. Le riesling sur des grands terroirs peut prendre des notes de pierre chaude, de cailloux, des notes fumées ou plus évoluées comme l’encaustique ou la cire.
Autre effet de la flute alsacienne, le sucre résiduel. Cette méchante saveur que l’on ne pardonne pas sur le riesling, surtout grand cru, car il doit être le grand vin sec de gastronomie. Et puis d’abord, pourquoi un vin blanc devrait-il être sec, quel est le texte fédérateur qui impose cet état de fait ? Reproche t-on au coca cola d’avoir 100 g de sucre par litre. Et oui le Coca a la teneur d’une SGN et il accompagne pourtant beaucoup de repas de cantine, même le poisson le vendredi.
Pour qu’un vin soit abouti, c’est à dire à maturité physiologique optimale, il faut un certain temps comme dirait Fernand Reynaud et ce temps est fonction de beaucoup de facteur comme la météo, la vigueur de la vigne, mais en premier lieu elle est liée au terroir. Les types de terroirs sont nombreux en Alsace. Tout d’abord les terroirs drainants sur roches mères comme le Schiste, le grès, le granit donnant des vins aériens, paraissant légers pour certain, très souvent aimables à boire jeunes avec cette acidité rafraichissante. Tellement avenants qu’ils sortent tous dans les revues « spéciale millésime » Comme quoi, même les pro sont trompés par le flute.
D’autre part les terroirs calcaires vont donner des vins aux caractères affirmés, fermes, verticaux avec des acidités puissantes demandant du temps pour se faire. Au milieu de ces deux extrêmes on trouve toutes les déclinaisons de terroirs sur des marnes, la majorité des terroirs Alsaciens. Ces terroirs sont plus tardifs que les précédents, les vins y sont plus larges, plus sapides et salivants, très profonds et complexes mais moins simple d’approche car on s’éloigne beaucoup du petit vin de bistrot.
Si l’on rajoute que le riesling, cépage emblématique de la région Alsace, est le cépage le plus tardif de la région, il est alors facile de comprendre qu’un cépage tardif sur un terroir tardif aura besoin de beaucoup de temps pour atteindre sa bonne maturité physiologique. En attendant cette maturité physiologique optimale, le risque de voir apparaître du botrytis est de plus en plus grand, le sucre monte ainsi tranquillement dans les baies. Une vendange à 13° potentiels peut alors se traduire par une récolte avant la maturité physiologique, menant au vin sec mais vert et acide. Le vin ne sera pas seulement vert, il n’aura aucun caractère du terroir, il sera variétal. Ne cherchez donc pas absolument de grands vins sec sur ces terroirs mais laissez vous guider par la bonne maturité des raisins car si on limite l’Alsace à une odeur et à une teneur en sucre résiduel le risque est grand de passer à coté de véritables pépites.
Stéphane