On commence la dégustation par une paire de rouge sur deux millésimes assez différents.
Alsace pinot noir Grossberg 2015 Louis Sipp
Nez net, frais sur l’amande, les fruits rouges et une pointe sauvage. Les tannins sont croquants dans un gros jus, encore un peu collant mais avec beaucoup de profondeur et de relief. Bonne cohérence d’ensemble et un équilibre qui flirt avec le parfait. 17/20
Alsace pinot noir Grossberg 2008 Louis Sipp
Nez sur le noyau de cerise un rien rustique et une petite volatile. La bouche est très ample, fraiche sur des tannins serrés, un jus intense dans une trame athlétique. Plus droit, plus ciselé que le 2015 mais pour moi moins de corps. 16/20
Même si le 2015 doit encore attendre il offre incontestablement une dimension supérieure au 2008 bien plus filant et droit. Je n’avais jamais bu cette cuvée mais elle être de plain-pied dans mon Top 10 des meilleurs rouges de la région. BRAVO !
Suite avec 3 vins de terroirs, un granite, un calcaire et un grave.
Alsace riesling Hagel 2016 Louis Sipp
Nez sur le citron confit assez classique. La bouche est souple, aérienne avec une petite amertume. Ensemble droit, au touché granuleux, salivant, pur. 15/20
Alsace riesling Muehlforst 2016 Louis Sipp
Nez fumé avec des touches de réglisse. La bouche est large dans une grande fraicheur, une base solide, de la gourmandise bien assise avant une finale fraiche et croquante. 16/20
Alsace riesling Steinacker 2017 Louis Sipp
Nez discret sur le citron. La bouche est lisse, souple sur une acidité déjà fondue et multidirectionnelle dans un jus carré. Finale qui claque mais ensemble plus simple. 14,5/20
Les types de terroir sont clairement identifiées dans les bouteilles. Mon cœur va battre vers le Muehlforst dont la qualité est évidente dans toutes les caves. C’est un peu le Gevrey Evocelles !
Enfin nous terminons ce rapide tour avec une mini masterclass sur deux terroirs classés grands crus. Le Kirchberg de Ribeauvillé et l’Osterberg toujours dans le même village.
Si le Kirchberg est marno-calcaro-gréseux, l’Osterberg est, marno-calcaro-gréseux. Les expositions sont différentes. Sud-Sud/ouest pour le premier et Sud-Sud/Est pour le second.
Je ne vais pas paraphraser Etienne Sipp qui décrit très bien les terroirs sur son site.
Kirchberg de Ribeauvillé :
Ce coteau bénéficie d'une exposition Sud et Sud-Ouest qui, associée à une pente très marquée, lui confère un excellent ensoleillement au moment de la maturation. Son substrat est constitué, en aval, de marnes dolomitiques triasiques et de dolomies du Muschelkalk inférieur, en amont, de marnes bariolées gréseuses et gypsifères du Muschelkalk moyen. Des sols argileux, souvent très caillouteux, accueillent ce vignoble situé à une altitude de 270 à 350 m. Nos parcelles de Riesling se situent dans le cœur historique du Grand Cru, d'une part dans la pente marquée située au Sud et d'autre part dans la partie centrale du plateau. La roche mère est située à une cinquantaine de centimètres de la surface. Cela oblige les vignes à plonger leurs racines profondément.
Osterberg :
Les sols sont argileux, assez profonds par endroit, caillouteux. Leur substrat est formé essentiellement de terrains du Muschelkalk moyen marneux et, à l'Est, de Lettenkohle à calcaires dolomitiques et marnes bariolées. La présence de calcaires dolomitiques et donc de dolomie permet un stockage de l'eau dans le sol et un relargage progressif évitant ainsi tout stress hydrique en année chaude et sêche. Par ailleurs ces sols, de par leur orientation Est Sud-Est et la présence plus importante d'argile, ont pour caractéristique d'être plus froids que ceux du Kirchberg. Les expressions acides sont dites plus "osseuses" ou "austères" comparées à celles du Kirchberg par exemple, ce qui donne des vins de caractère d'une rare tension.
Nous voilà donc en plein cœur de l’Alsace. Deux terroirs relativement identiques pour le profane mais dont les vins sont radicalement différents.
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé riesling 2017 Louis Sipp
Nez sur le poivre, les fleurs et encore une pointe fermentaire de jeunesse. L’attaque est lisse, nette, bien définie avec de beaux contours avec de la franchise, une structure ferme, propre. 17,5/20
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé riesling 2016 Louis Sipp
Curieusement l’ainé est fermé et ne raconte rien. La bouche est moins dense, plus alerte, mais pleine d’élégance et de charme dans une expression virevoltante du terroir. 16/20
Alsace Grand Cru Osterberg riesling 2015 Louis Sipp
Nez fumé, grillé, sur le caillou qui peut paraitre terne et sérieux. La bouche est droite sur une acidité qui monte en puissance et une structure qui ne change jamais de direction. 17/20
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé riesling 2015 Louis Sipp
Le nez est très grillé sur un fruité citron. La bouche est large, grasse et suave, d’esprit gourmand même si elle a beaucoup plus à raconter. Une acidité plus complexe, plus croquante avec davantage de relief et de mâche. 18/20
Alsace Grand Cru Osterberg riesling 2013 Louis Sipp
Nez fumé sur les fruits jaunes comme l’abricot mais aussi la fraise. La bouche est souple en attaque puis de suite droite, rectiligne sur une acidité très franche avant une finale sèche. 16,5/20
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé riesling 2013 Louis Sipp
Nez au fruité jaune. Attaque franche, faussement légère, dans la largeur avec une acidité salivante plus fondue mais aussi plus joueuse. Finale croquante. 17,5/20
Alsace Grand Cru Osterberg riesling 2012 Louis Sipp
Nez austère, froid. Bouche gourmande sur une structure ample, curieusement dans une certaine souplesse mais la finale redevient sérieuse et franche. 16,5/20
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé riesling 2012 Louis Sipp
Nez sur une pointe verte. Bouche aérienne, gréseuse dans une définition moins austère, beaucoup de délicatesse dans une structure multidirectionnelle. Un vin plaisant, expressif bien en place. 17/20
Pour terminer cette série Etienne nous propose deux vins à l’aveugle.
Alsace Grand Cru Kirchberg de Ribeauvillé pinot gris 2013 Louis Sipp
Nez ouvert et expressif sur les fruits jaunes, la truffe et une pointe de volatile. Gros jus en bouche, beaux amers, profil sec dans une matière ample et grasse. Effet « wahou » garanti pour ceux qui aiment la puissance à table. 17/20
Alsace pinot gris sélection de grains nobles 2008.
Impossible de quitter une table sans une SGN mais celle-ci à la particularité d’avoir passé 52 mois en barrique de chêne. Nez intense sur le cuir, les fruits secs, la pâte de fruit et quelques notes boisées. En bouche en retrouve ce caractère boisé dans une structure proche du sirop, une acidité complétement fondue, un coté onctueux dans une structure qui trouve de la longueur pour finir en queue de paon. Un vin avec une concentration qui commence à être extrême avec 214 g/L de SR. 18,5/20
Les vins de Ribeauvillé, même s’ils sont reconnus depuis des lustres ont toujours été un mystère pour moi. Cette présentation par Etienne a levé une part de ce mystère et je perçois maintenant en partie les différences entre l’Osterberg et le Kirchberg.
Pour simplifier, l’Osterberg est droit, le terme d’osseux qu’emploi Etienne est très parlant, il ne va que dans une seule direction. Il pourra paraître austère, raide dans certain millésime et plaira aux amateurs de vins cisterciens. Le Kirchberg a une dimension supplémentaire, une ampleur qui pourra paraître plus « facile », plus avenante pour amateurs plus amateurs. Mais cette simplicité relative baigne dans une acidité plus juteuse, plus complexe. Je pense même que la différence d’appréciation sera fonction de l’âge, non pas du vin mais du dégustateur. Jeune, il prendra s’en doute le Kirchberg pour son coté rassurant, mature il s’orientera vers l’Osterberg pour toucher à la droiture, à la fougue du caractère alsacien. Puis avec l’âge et la sagesse, il s’orientera sans doute à nouveau vers le Kirchberg pour sa complexité et sa plénitude.
Merci Etienne pour le temps que tu as pris avec nous.
Stéphane