Le choix d’un thème de dégustation est toujours une affaire de préférence, de goût et de moyen et il y a toujours débat sur la liste. Le consensus est souvent plus simple sur les soirées millésimes surtout avec ceux qui sont unanimement reconnu comme grand.
1990 est en de ceux-là et encore aujourd’hui on a tendance à dire que tout est encore buvable dans ce millésime qui a pourtant 28 ans, un âge que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, Montmartre en ces temps là…
Je ne vais pas vous faire la presse de ce millésime, on le trouve partout. Le PS qui se déchire déjà au congrès de Rennes, le TGV qui passe les 515 km/h, Tapis qui achète Adidas, la fin de la 2 CV, mise en place de la CSG, la Grande Bretagne n’est plus une ile. Nikita est sur les écrans. Greta Garbo, Ava Gardner et Alice Sapritch ne sont plus….
Alsace Riesling Kaefferkopf 1990 Domaine Maurice Schoech
Robe dorée. Nez malheureusement entaché d’une petite note liégeuse qui perturbe plus qu’altère les notes de sauges, de pétrole et de sous-bois noble. La bouche est vive, tendue dans un profil athlétique, nerveuse ave du nerf sans oublier un jus puissant. L’ensemble est large sur une acidité centrée. Longue finale grasse. 15/20 (s’en tenir compte du liège)
Alsace Riesling Osterberg vendange tardive 1990 Domaine Kientzler
Robe dorée tirant sur le jaune topaze. Nez magnifique sur les fleurs sèches, la menthe, le chocolat, le caramel, l’abricot confit avec une touche de volatile. La bouche est svelte sur une acidité fondue, bien intégrée dans une matière d’une belle plénitude qui rend le breuvage facile d’approche, sans excès mais bien en place. Pas la plus grande VT, la finale étant plus simple mais nette. 16,5/20
Margaux Grand cru classé 1990 Château Prieuré Lichine
Robe tendre pas trop évoluée. Nez sur le cassis avec des touches fumées, de la myrtille, du tabac brun, du lard et une touche de tomate verte. La bouche est soyeuse sur des tannins fins, ciselés et juteux rendant l’ensemble un poil asséchant à la longue mais la structure solide du vin est plaisante. La finale est franche. 16/20
Haut-Médoc cru bourgeois 1990 Château Tour du Haut Moulin
Nez discret, froid et assez austère. La bouche attaque de façon gourmande puis les tannins se serrent donnant un profil taillé à la serpe au breuvage. L’acidité ne semble pas complétement aboutie sur une matière un peu juste. Sans doute un vin agréable jeune qui n’a rien gagné à vieillir. 12/20
Saint-Emilion 1990 Domaine de La Gaffelière
Robe sombre. Nez sanguin, avec du lard, et des notes plus fraiches et délicates. La bouche est pleine, sucreuse, lisse, cohérente sur des tannins discrets bien en place dans une matière bien assise pour ce vin ne manquant pas d’élégance. 15,5/20
Margaux 1990 Château Bel Air Marquis D’Aligre
Nez sur la tomate, les fleurs, le poivron mûr et du tabac blond. La bouche est souple sur une acidité fine mais présente sui tire le breuvage tout en conservant ce profil sphérique avec une petite densité dans le jus. Un vin tout en longueur sans grand relief ni émotion. Finale acidulée. 14/20
Gevrey-Chambertin 1ercru Cazetiers 1990 Domaine Dupont-Tisserandot
Robe tendre. Nez un rien sauvage sur les fleurs sèches tout en élégance, avec des touches de poivre, de bois un peu chauffé, des relents fumés le tout bien mûr. La bouche est ample, soyeuse, généreuse même avec des tannins profonds et denses dans une grosse matière et une acidité au profil plus nordiste. Finale marquée par la fraicheur un peu plus simple. 16,5/20
Sauternes 1ercru classé 1990 Château Rayne Vigneau
Robe or brillante. Premier nez sur une impression de plastique puis des notes d’abricot, un confit léger, de la poire, de l’anis, de la tarte tatin et du beurre frais. La bouche est généreuse, sans être massive, la sucrosité est tout de même marquée, perceptible du début à la fin sans la moindre trêve sur une acidité qui rame un peu à côté. Le style est toutefois fin pour appellation et surtout propre et net. Finale sur le sucre pour boucler la boucle. 15/20
Jurançon 1990 Clos Uroulat
Robe topaze qui tire doucement sur l’acajou. Le nez me fait penser à ce saucisson italien que j’ai encore dans le frigo avec des notes de mandarine. L’ensemble n’est pas trop parlant. La bouche est élancée sur une sucrosité bien plus fondue et une acidité monumentale qui tire et tient le breuvage dans une belle finesse. Finale juteuse, précise. 17/20
Alsace grand cru Altenberg de Bergheim gewurztraminer 1990 Domaine Lorentz
Robe jaune fluo. Nez sur les fleurs, une touche muscaté, du raisin frais, du cuir neuf, de l’eucalyptus, du camphre et/ou de l’anis, au choix. La bouche est éclatante, hyper propre, d’une grande jeunesse sur une acidité précise et bien marquée pour le cépage souvent déficitaire de ce côté-là. Le style est aérien mais structuré et atypique puisque tout le monde c’est trompé de cépage. J’ai moi-même hésité avec un riesling alors que j’ai fourni la bouteille. Un gewurztraminer qui joue les légers, dans la dentelle avant une belle finale sur de grands amers. La messe est dite. 18,5/20
Belle soirée avec des notes souvent guidées par le plaisir plus que par la technique, d’autant plus que la sélection de vins est assez modeste, sans aucune star de Bordeaux ou de Bourgogne, juste des vins que la majorité des gens avaient en cave sans se mettre la corde au cou, le prix de 85 frs (13 euros) sur le Prieuré Lichine peut d’ailleurs en témoigner, le smic étant à 800 euros à l’époque.
La sélection d’Alsace est par contre d’un niveau bien supérieur sur le papier et finalement dans le verre et l’Altenberg de Bergheim sort bon premier de cette série, même après un Sauternes et un Jurançon de belle facture.
Stéphane