Même si Thierry Meyer a relâché la cadence infernale des dégustations et repas ces dernières années, il reste quelques rendez-vous qu’il ne faut pas manquer en Alsace et ce repas TGFA succède brillamment aux repas TGVA des années précédentes.
Depuis 2006, date de mes premiers rendez-vous j’en ai vu passer des gens et retrouve souvent les fidèles partenaires de table mais je suis heureux de voir que cette année, Facebook aidant, un nombre non négligeable de nouvelles têtes et gosiers est venu grossir les rangs. C’est bien pour la région, les vins d’Alsace, nos vignerons, notre Jean-Philippe, et Thierry Meyer. Qui a dit que nul n’est prophète dans son pays ?
28/10/2016 Restaurant la Taverne Alsacienne.
Réception
Alsace crémant brut rosé Domaine Valentin Zusslin (Jéroboam)
Très belle teinte saumon, légère. Nez pur, discret et net sur de petits fruits rouges. La bouche est tendre, avec du moelleux sur des bulles fines ne manquant pas de dynamisme, parfois un peu fermes. Un crémant que j’aurais préféré un peu plus sec mais qui tient bien la route de l’apéritif.
La chair de Tourteau et caviar d’aubergine, légumes marinés
Alsace sylvaner « Z » 2007 Domaine Paul Kubler (magnum)
Nez grillé, fumé évoluant à l’aération sur la coquille d’huitre et la réglisse. Bouche lisse et ample sur une acidité souple, aidée par un millésime qui l’est tout autant. L’ensemble va pourtant bien tenir le tourteau qui montre pourtant les épaules avec sa puissance aromatique. Seul, il va manquer un peu d’allonge et de complexité, certainement la limite du cépage, mais l’accord avec le plat n’est pas inintéressant. 16/20
Alsace grand Cru Kaefferkopf riesling 2007 Domaine Maurice Schoech (magnum)
Nez complexe et très expressif sur les fruits jaunes évoluant sur les fruits exotiques dans une trame discrète et bien en place. La bouche est ample et riche, suave dans un beau volume sphérique non sans une certaine plénitude. L’ensemble est assez aérien, verticale et va coller ton sur ton avec le plat qui va même renforcer le caractère et l’assise du vin. Il est facile le Kaefferkopf, à l’aise. 17/20
Alsace grand cru Muenchberg riesling 2007 Domaine André Ostertag (magnum)
Nez sur le poivre, la pomme juteuse, la résine, les fruits mûrs et une pointe fumée. La bouche est fine, élégante, très droite, en filigrane. Finale épicée et très longue qui claque. Le vin va gagner en ampleur avec le plat mais l’aromatique très délicat va être dominé les effluves de la mer. Superbe à boire pour lui-même il ne fera pas le poids devant le plat. 18/20
Des trois vins, le Muenchberg est le plus abouti avec une précision redoutable et une grande allonge. Il sera toutefois trop fin pour la puissance du plat, c’est qu’il est costaud le tourteau !! On observe l’effet inverse avec le Sylvaner « Z », un peu « léger » pour lui, le plat va lui donner une autre dimension. Pour finir, le Kaefferkopf fait le travail avec et sans le plat avec son coté jovial, agréable en dégustation mais qui ne manque pas de poigne sur le plat.
La lotte sauvage beurre blanc citronné et champignons
Alsace grand cru Brand riesling 2005 Domaine Josmeyer (magnum)
Nez expressif, agrumes, orange confite. Bouche dense, ferme, directe sur une acidité mûre, il garde ce côté franc et précis, presque tannique avec une bonne dose d’énergie. L’équilibre avec la chair ferme de la lotte est remarquable dans un style plutôt ton sur ton. Tout va bien lorsque la rigueur est de mise. 18,5/20
Alsace grand cru Hengst riesling cuvée Samain2005 Domaine Josmeyer (magnum)
Nez mûr, exotique à souhait, crémeux avec des touches grillées et beurrées. La bouche est riche, fondue sur une acidité puissante dans un ensemble enveloppant. L’accord avec les champignons et parfait mais il va un peu dominer la lotte. Finale crémeuse, longue et puissante. Un grand vin d’une grande maturité qui met parfaitement en avant le caractère fougueux de ce terroir. 18/20
Kremstal riesling Privat 2005 Domaine Weingut Nigl (magnum)
Nez malheureusement juste assez liégeux pour perturber les aromes. La bouche est droite, très juteuse avec une acidité assez vive et une grande sapidité. La bouche semble pour moi moins atteinte. Typiquement le genre de bouteille qu’il serait compliqué de faire remplacer au restaurant. NN
Une confrontation à trois qui se termine rapidement à deux et en plus du même domaine, autant dire que le match a vite tourné en faveur de Josmeyer. Le Brand, déjà exceptionnel pour lui-même va accompagner la lotte sur un équilibre assez fin. Le Hengst va plus trouver ses aises sur les accompagnements, champignons et légumes crémeux. Globalement, plutôt un faible pour le Brand, alors que je préfère souvent le Hengst chez Josmeyer.
La sélection de fromages
Alsace grand cru Altenberg de Bergbieten riesling 1989 Domaine Frédéric Mochel (magnum)
Nez sur des notes de cassis, d’hydrocarbure, de champignon sec, de fleurs sèches et de plastique dans l’esprit d’un chardonnay un peu ancien. La bouche est ample, sèche sur une acidité douce baignée par le soleil de ce beau millésime. La finale sera un peu plus amère et marque un peu le pas para rapport aux productions plus récentes. Si ce 1989 va écraser le crottin, il va souligner le munster de façon magistrale et assez inattendu, là où un gewurztraminer serait plus à son aise et plus dans la tradition locale. 16/20
Alsace grand cru Goldert gewurztraminer vendange tardive 1989 Domaine Zind-Humbrecht (magnum)
Nez confit, miel, écorce d’orange, épices de noël, pomme cuite. La bouche est fraiche, racée, dense et très sapide, semblant légère alors qu’elle est techniquement massive avec 75 g de SR, comme une danseuse de 100 kg avec un tutu et des pointes. L’ensemble est riche et l’équilibre est un tour de force que peu de producteur arrive à maitriser mais qui est la patte de ce producteur. Si ce vin est à l’aise sur le munster c’est vers la fourme qu’il va s’exprimer pleinement maitrisant parfaitement sa puissance. 19/20
Deux vins cette fois mais trois fromages. Un crottin de chavignol, un munster et une fourme d’Ambert, tous de la maison Quesnots et Colmar (rue saint Nicolas) L’accord entre l’Altenberg de Bergbienten 89 et le munster est inattendu mais très efficace, le coté vif du cépage rehaussant les aromes, la largeur du terroir supportant la texture. Le Goldert dans une version extrême fera le boulot sur ce même munster mais avec la fourme que le dialogue sera le plus harmonieux. Le crottin ne trouvera pour ma part aucun camarade ce soir.
Les figues fraiches rôties à la cannelle et glace vanille bourbon
Alsace grand cru Zinnkoepflé gewurztraminer 2005 Domaine Seppi Landmann (magnum)
Nez simple ou encore trop jeune sur les épices, le savon à la violette, la rose. Grands amers en attaque sur une acidité ciselée dans une structure légère, stricte qui ne trouvera pas d’accord avec le dessert, la figue étant trop grasse, trop moelleuse et riche pour cela. 15/20
Alsace Altenbourg gewurztraminer cuvée Laurence 2001 Domaine Weinbach (magnum)
Nez sur les épices, les fruits très mûrs comme l’abricot dans un beau rôti de botrytis. Bouche une fois de plus assez stricte, avec une pointe d’alcool dans un style demi sec, il sera plus à son aise avec la figue qui se laisse un peu dominer. L’accord est toutefois plaisant dans un style enveloppant et souple. 17/20
Je suis un peu perplexe sur les deux derniers vins qui n’ont pas trouvé d’accord avec le dessert. L’Altenbourg de Weinbach est très bien fait, beau rôti, un coté strict que j’aime bien et il fait le job sans me faire dire « waouh » Le Zinnkoepflé est hors sujet.
Encore un très beau repas organisé par Thierry Meyer qui a presque fait le plein cette fois-ci. Presque car il restait encore quelques places, et ce malgré un prix attractif, un restaurant sérieux et conviviale driver par un passionné du vin, et une liste d’Alsace en Magnum à faire pâlir les hatagueurs. Les piscines devaient être noires de monde ce soir. J’ai participé à quelques autres manifestations du genre sous d’autres égides sans jamais trouver la même rigueur, la même liste de vins prestigieux et pas seulement au niveau de l’étiquette, la même qualité dans les plats et je ne parle même pas de l’orchestration qui est plus que professionnelle.
Stéphane