750 grammes
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Les invitations à venir découvrir un domaine sont suffisamment rares pour ne pas bouder le plaisir et le luxe de la visite privée. C’est donc positivement et avec grand plaisir que j’ai répondu à l’invitation de Valérie Beyer, nouvelle membre de notre Club de dégustation de Barr. Ma première et unique visite au domaine datant de 2009, une remise à niveau des idées et sensations est tentante et indispensable.    

 

Arrivée en plein mois d’aout (2016) dans le joli village d’Eguisheim est une véritable épreuve tant les touristes y sont nombreux. Des touristes les yeux rivés sur les vieilles pierres du plus beau village de France, tellement émerveillés par tant de beautés que le bruit de mon tracteur tchèque au mazout n’a pas suffi pour nous frayer un chemin. Nous sommes finalement arrivés à bon port, sans le moindre allemand en short sur le capot. C’est donc parti pour quelques heures de découvertes avec Christian et Valérie Beyer du domaine Emile Beyer. 

 

Pour comprendre les vins il faut voir la terre et nous reprenons immédiatement mon fidèle compagnon à 4 roues pour nous rendre dans les vignes en direction du Clos Lucas Beyer sur le lieu-dit Sundel du grand cru Pfersigberg. Il va falloir suivre, les terroirs ne sont pas simples à comprendre en Alsace.

 

Ce grand cru, d’une surface de 74,55 ha comporte plusieurs lieux-dits, Hertacker, Ortel. Une des parties les plus qualitatives est le Sundel, le cœur historique du grand cru avec en plein milieu le Clos Lucas Beyer de 2,5 hectares, planté en riesling (1,5 ha) et en pinot noir (1ha), ce dernier ne pouvant revendiquer l’appellation grand cru. Il faudra encore patienter un peu pour les trouver dans vos bouteilles de grands crus.

Si le grand cru est classé par l’interpro en terroir marno-calcaires-gréseuses, le clos est sur des calcaires jurassiques du bajocien, une situation idéale pour le pinot noir. Les rieslings y sont aériens, purs et nerveux. Les rouges, dense tout en gardant un certain soyeux. Les projets dans ce coin sont encore nombreux avec la remise en ordre d’une friche bien dense et sauvage. Le travail semble colossal mais Christian a bon espoir d’y planter de la vigne. 

Le village d'Eguisheim à partir du Sundel

Le village d'Eguisheim à partir du Sundel

Poursuite de la visite vers le grand cru Eichberg, le second grand cru que compte le village. Son terroir argileux-calcaire est plus lourd est permet l’élaboration de vins puissants et de grande garde offrant avec le Pfersigberg deux styles opposés mais complémentaires dans une gamme de vin.

Fin de la vadrouille vers le Hohrain, qui comme le Pfersigberg est constitué de calcaires conglomératiques du Muschelkalk et du Jurassique. Il se situe d'ailleurs sur la même colline que ce Grand Cru mais sur son versant nord-est.

Le Saint Jacques nommé ainsi en hommage avec le chemin de Saint Jacques de Compostelle qui le traverse est encore un lieu-dit cultivé par les Beyer. Le Saint-Jacques auquel il ne manque que le terme de « Clos » est cette fois sur le versant nord-est du grand cru Eichberg constitué de marnes de l’Oligocène et d’éboulis gréseux.

 

Retour au village maintenant, le long des champs de maïs pour se rendre dans la nouvelle cave pour y gouter les 2015 qui patientent tranquillement en cuves. Stockage de bouteilles en sous-sol, cuverie inox toute neuve et alignement de fûts en chêne de chez Damy pour les rouges. L’ordre est la propreté y sont remarquables, point important d’une visite car cela reflète souvent l’homme qui y travail.  

 

Muscat 2015. Nez encore marqué par l’élevage avec un fond de fleurs. La bouche est ronde avec une bonne dose de gras sur une acidité pointue donnant beaucoup de caractère, pas toujours évident à trouver en Alsace. Un beau muscat complet et savoureux.

 

Riesling Saint Jacques 2015. Nez réduit pour ce vin gourmand sur une énorme tension. Un vin plein de zest et de dynamisme. Dans la lignée du 2014 que nous allons goûter plus tard.

 

Pfersigberg riesling 2015. Nez assez net sur les fleurs blanches. La bouche est délicate avec une finesse qui charme le dégustateur. On retrouve bien le caractère aérien du terroir.

 

Eichberg riesling 2015. Nez solaire sur les fruits jaunes voire exotiques. L’acidité est puissante sur une forte et dense salinité pour ce vin qui s’exprime plus en largeur que le précédent.

 

Pinot noir 2015. Nez sur la cerise noire, les fruits à noyau. Belle fraicheur à l’attaque avec une petite amertume qu’il faudra ménager. Les tannins sont francs mais assez souples pour une consommation rapide.

 

Pinot noir Hostellerie 2015. Le nez est réduit et peu flatteur mais il en ressort un bel élevage. La bouche est sphérique sur des tannins propres et ciselés avec du fruit, du fruit et encore du fruit. Futur coup de cœur.

 

Pinot noir lieu-dit Sundel 2015. Nez floral, complexe et intense. La bouche est soyeuse, pleine de sève sur un grain de tannins déjà très fins. Un futur grand vin en perspective sans excès.

 

Pfersigberg Gewurztraminer 2015.  Un vin très élégant qui n’en fait pas des tonnes pour s’imposer. Grande classe, sphérique, élégance et légèreté.     

 

Pinot gris vendange tardive 2015. Nez sur la pâte de fruit au coing. La bouche est très équilibrée, avec du gras.

 

Les 2015 sont prometteurs avec des équilibres généreux et solides tout en gardant de belles fraicheurs comme le riesling Eichberg qui va faire des heureux. Les pinots noirs vont casser la baraque avec des tannins propres, bien dessinés et des matières sans excès d’extraction. 

L'ancienne cave du domaine Beyer

L'ancienne cave du domaine Beyer

Poursuite de la journée avec la dégustation de quelques bouteilles dans la charmante cour du domaine, un havre de tranquillité au milieu du tourbillon de la foule.

 

Crémant Cuvée Emile-Victor. Crémant sur base de tiers de Chardonnay, pinot blanc et pinot noir actuellement sur le millésime 2012. Le nez est vineux sur le pain frais. Peu de bulle dans le verre. La bouche est délicate en rondeur sur une très belle mousse enrobée. La finale est plus sèche, gastronomique. Très bien.

 

Pinot blanc Tradition 2015. Nez classique et net sur les fruits blancs. La bouche est pleine, ronde, gouleyante sans creux ou perte de vitesse. Un pinot blanc classique mais bien mené. Bien.

 

Riesling Tradition 2014. Nez sur le citron confit, le bonbon anglais. Le bouche attaque par une petite douceur apportée par l’alcool car le vin est techniquement sec. L’acidité est large et souple avant une finale marquée par une pointe de pétrole. Bien

 

Riesling Saint Jacques 2014. Nez sur la pierre frottée, les herbes aromatiques comme la sauge avec des touches d’épices. La bouche est éclatante, en densité et fermeté d’une ouverture immédiate. Une explosion d’arômes et de saveurs en bouche. Un très net cran est passé en passant sur ce lieu-dit. Très bien

 

Pfersigberg riesling 2014. Nez délicat et floral sur une pointe de menthol. La bouche joue la finesse sur une acidité précise et bien calibrée. Le milieu de bouche est plus dense et rappelle la grandeur du terroir tout en restant extrêmement plaisante. Très bien+

 

Pfersigberg riesling 2005. Nez sur la truffe, la fraise, les épices et les plantes façon tisane. La bouche est sphérique, élégante, moins dense que le 2014 sur une acidité diffuse. La finale n’a pas ou plus l’envergure des cuvées récentes. Un progrès certain en 9 ans ! Bien+

 

Pfersigberg riesling 1997. Nez sur l’encaustique et le miel. La bouche est moelleuse, sur un jus dense mais rustique qui mise plus dans l’aromatique. L’acidité est en retrait avant une petite chaleur en finale. Un vin encore debout qu’il faudrait comparer avec le reste de la production alsacienne sur ce millésime pour pouvoir le situer. Bien+

La déclinaison de Riesling Pfersigberg

La déclinaison de Riesling Pfersigberg

Pinot gris Hostellerie 2014. Nez solaire avec une pointe de sous-bois. La bouche est sphérique sur une élégante touche de froment. Bien

 

Pinot gris Hohrain 2014. Nez sur la réserve avec des touches d’épices. La bouche est droite, sèche et saline sur une acidité puissante. Un vin avec de la race et du caractère. Un grand pinot gris de table comme on en trouve assez peu. Je ne suis pas fan de ce cépage mais on ne doit pas trouver 10 cuvées de ce niveau en Alsace !! Très bien+

 

Pinot noir Hostellerie 2013. Nez très mûr sur la suie, le cassis. La bouche est soyeuse avec beaucoup de mâche, des tannins gras sur une trame puissante. Très bien.

 

Gewurztraminer Hostellerie 2012. Nez fumé sur les fleurs. Bouche pure, frétillante sur un très bel équilibre le rendant très consensuel et facile d’accès sans pour autant jouer dans la simplicité. Bien+

 

Voilà pour la seconde partie de la visite avec cette belle sélection de bouteilles actuellement à la vente à laquelle Christian et Valérie ont eu la gentillesse de rajouter deux flacons tirés de leur œnothèque.

On sent bien au travers des deux rieslings 2005 et 1997 le chemin déjà parcouru et les projets en cours ou futurs vont permettre au domaine de passer un cap supplémentaire.

Des projets dans les vignes mais aussi dans l’accueil des clients et journalistes avec l’aménagement de l’ancienne cave du XVI siècle avec des panneaux explicatifs des différents terroirs, de l’histoire de la famille Beyer.

L’avenir le dira mais je n’ai aucune crainte car ce domaine est conduit avec un grand sérieux et une solide connaissance des terroirs par des gens passionnés et passionnants.  

Jeunes vignes de pinot noir sur le Sundel

Jeunes vignes de pinot noir sur le Sundel

Voilà pour la visite au domaine mais il n’est de bonne visite qui ne se termine à table et nous terminons cette journée par un diner à la Winstub du Chambard à Kaysersberg.

 

Ne connaissant pas les raccourcis dans le vignoble nous y arrivons 5 minutes après et retrouvons les Beyer au passe de la cuisine en train de discuter avec Olivier Nasti et Gilles Pudlowski. Présentations faites (merci Christian) nous attaquons modestement la soirée par une coupe de Crémant du Domaine Albert Boxler tout en admirant le calme et l’orchestration parfaite de la cuisine où personne ne crie ou ne tremble à l’annonce des plats. « Il faut lancer la courgette de Mr X ! »    

 

A table, un Bienvenue-Batard-Montrachet 2007 de Vincent Girardin, au nez typique mais précis, à la bouche soyeuse et fine tout en délicatesse. J’annonce après une rapide déduction, Chassagne……

Poursuite avec un Sancerre rouge 2012 cuvée Belle Dame du Domaine Vacheron au nez floral, profil serré en bouche plein de fraicheur. Pour finir, un Instant Rare d’Emile 2007, assemblage de pinot blanc et auxerrois d’une grande richesse avec un nez complétement confit, sur le raisin de Corinthe, la prune. La bouche est liquoreuse, fondue d’un grand équilibre faisant oublier la richesse. Les plats sont bien évidemment à la hauteur de la réputation de la maison même si le service, certes un peu tardif, est quelque peu approximatif mais finalement drôle et cordiale.

 

Clap de fin sur cette belle journée pleine de découverte avec deux amoureux du vins d’Alsace et d’ailleurs……Merci à Valérie pour son invitation, à Christian pour ses explications concernant sa vision des vins d’Eguisheim, le BBM 07, et merci à Mary pour le trajet du retour, l’abus d’émotion ayant rendu toute perception routière un peu compliqué.

 

A bientôt.

 

Stéphane

Le village des autres, Husseren les Châteaux

Le village des autres, Husseren les Châteaux

Tag(s) : #Visite chez le vigneron, #Alsace grand cru Riesling, #Alsace Pinot noir
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