En Alsace, la communication vinique prend de plus en plus un accent de terroirs, non sans pouvoir, selon moi, y exclure la notion de cépage puisque l’adéquation entre ces deux paramètres, le terroir et le cépage, est importante. Je ne parle même pas de la place du vigneron sans qui rien n’est possible. La récente dégustation de Riesling Brand n’a fait qu’appuyer là où ça fait mal car si le dénominateur commun est le terroir, il ne reste souvent que le vigneron dans la grandeur d’un vin.
Il y a même des terroirs classés qui ne semblent convenir, selon des vignerons, qu’a un seul cépage, même si celui-ci n’est pas reconnu par l’INAO sur ce terroir. C’est ainsi que l’on trouve du sylvaner grand cru Zotzenberg, cas unique et récent en Alsace car datant de 2005. Ceci n’est en fait qu’une officialisation d’un ancien usage qui ne pouvait plus avoir cour avec le classement du Zotzenberg en 1993.
Le sylvaner, le cépage digne du soldat Ryan qu’il faut absolument sauver, par peur sans doute d’être en manque de cépage dans la région ou par risque de ne plus pouvoir faire des petits vins à 100 hL/ha pas toujours bons d’ailleurs dont la verdeur remplace souvent la fraicheur. Bien évidement il est possible de trouver de bon sylvaner en Alsace même si ces vins restent des vins de début de tarif chez les vignerons en question. Ainsi les maisons Weinbach sur le clos des Capucins, Ostertag, Boxler ou encore Muré sur le Steinstuck, François Schmitt sur le Bollenberg font des cuvées de sylvaner remarquables.
Pour en revenir à notre Zotzenberg du jour, la possibilité de revendiquer le sylvaner en « grand cru Zotzenberg », est un combat que même depuis des années Albert Seltz. En effet ce vigneron emblématique de Mittelbergheim se bat depuis toujours pour faire admettre à tous que le sylvaner est LE grand cépage de ce terroir et qu’il a droit à ses lettres de noblesse.
Pour mesurer la chose rien de mieux que de se rendre sur place pour déguster les cuvées actuellement en vente au caveau.
Ainsi, nous sommes reçus en ce vendredi de mai 2016 pour une dégustation avec le maitre du sylvaner, comme il se nomme lui-même.
Début de la visite par un speech sur le sylvaner, sa passion pour ce cépage, l’église qui devrait migrer dans sa cour et sa méthode de commercialisation qui est pour le moins originale et courageuse. En effet, le domaine garde en cave des dizaines de milliers de bouteilles de sylvaner, un 2006 de niveau SGN encore en cuve, ou encore 13 millésimes de sylvaner en vente. Technique commerciale ou difficulté à les vendre, je n’ai pas posé la question mais le 98 encore en vente aujourd’hui est dans ma cave depuis au moins 15 ans !
La cuvée majeur en sylvaner du domaine est la « Sono contento » ou « je suis content » en français, sentiment émanent de sa victoire faisant du sylvaner un grand cépage pouvant être revendiqué en grand cru sur le Zotzenberg. Pour les béotien c’est comme si on pouvait revendiquer l’Aligoté sur le Montrachet, l’aligoté en sera-t-il meilleur.
Mais place aux vins en c’est en cave que nous nous rendons.
Sylvaner Vieilles Vignes « Sono Contento » 2013 (en cuve)
Robe encore trouble. Nez sur la poire, l’ananas, la banane avec des notes fermentaires. La bouche est ample sur une acidité fine, des sucres avant une finale épicée. L’ensemble est encore ramassé sur lui-même mais la promesse d’un beau vin est là. 14,5/20
Sylvaner 2006 (SGN) non commercialisé.
La robe est de couleur cognac. Le nez est torréfié, sur le sous-bois, le botrytis, des notes fumées, du raisin de Corinthe mais aussi du cuir et une bonne dose de volatile. La bouche est moelleuse sur une grosse acidité mais l’esprit de finesse est là même si l’ensemble est un peu rustique. Impossible pour moi de donner une note chiffrée. Bien.
Les autres vins seront dégustés en bouteille.
Sylvaner de Mittelbergheim 2014.
Unique cuvée de sylvaner en 2014. Nez sur les fruits blancs primeurs, les épices et une pointe de volatile. La bouche est douce, souple et légère avec une ampleur suffisante pour le placer à table, de la mâche et une finale généreuse. Style gourmand, croquant. 14/20
Alsace Grand cru Zotzenberg Sylvaner vieilles vignes 2012 « Sono Contento »
Chose curieuse, je ne trouve pas le nom Zotzenberg sur l’étiquette ! Le nez est fumé sur les fruits jaunes, la cire dans une idée rustique. La bouche est droite, sèche, sapide avec du gras mais une acidité un peu floue pour le moment. La mise en bouteille très récente explique certainement ce côté dissocié. 13/20
Alsace Sylvaner 1998 vieilles vignes « Sono Contento »
Nez complexe sur la cire, le coing, le miel avec des touches sableuses et une pointe de sous-bois moins élégante. La bouche est souple avec une pointe de gaz une acidité que je trouve brutale et une impression tannique. 14/20
Alsace Sylvaner 2002 « Barbe noire »
Nom provenant de la couleur des raisins lors de la vendange. Nez sur la truffe, la menthe, la tisane verveine, les fruits jaunes et le miel. L’attaque est ferme sur une acidité large. Beaucoup de gras pour ce vin au style demi sec qui glisse bien sur le palais. 15/20
Alsace Sylvaner 2001 vieilles vignes « Sono Contento »
Nez fumé sur de fortes notes sableuses. La mise en bouche est souple avec une acidité très centrée. L’ensemble est ciselé, dense, dynamique et frétillant avant une finale ample. 14,5/20
Alsace Sylvaner 1998 « La colline aux poiriers »
Cuvée de niveau VT issue de raisins passerillés. Le nez est ample, très parfumé sur le poivre blanc, les raisins secs, le cuir. La bouche est riche, très sapide avec une acidité fondue. L’équilibre est superbe avec un beau délié, une grande cohérence. 16/20
Alsace Sylvaner 2002 « le mystère de Barbe noire »
Nez sur le café, le chocolat blanc, le botrytis mais aussi le bois, l’aneth, le safran et des relents herbacés, pointe de miel. La bouche est charnue avec une acidité puissante, de l’ampleur et une amertume ferme. Vin qui semble solaire. 15,5/20
Alsace Grand cru sylvaner Zotzenberg vieilles vignes 2010
Nez sur la truffe, une pointe végétale, des épices et des fruits jaunes. La bouche est sphérique sur une superbe acidité qui apporte de la fluidité au breuvage. La sucrosité de ce vin de niveau SGN est parfaitement fondue sur une fine salinité. Très jeune encore ce vin a un fort potentiel. 17/20
Alsace Sylvaner « Palomino Sono Pazzo » 2003
Elevage oxydatif pendant 10 ans en barriques. Nez sur la noix fraiche, le curry, le caramel. La bouche est ample, ciselée, boisée sur une acidité impressionnante de puissance. Grand concentration pour ce vin extrême loin de l’esprit de la région. Finale très longue comme il est d’usage sur ce genre de produit. 17/20
La dégustation se termine avec un sylvaner 2003 hors norme qui ne répond à aucun critère alsacien. Pour le reste je suis perplexe. Les vins sont larges, fermes avec des acidités marquées mais souvent serrés et présentant une certaine rigueur. Je n’ai qu’un seul sylvaner Zotzenberg dans mes carnets et il n’avait pas du tout ce profil. Il était plus élancé, aérien et fin avec une acidité en filigrane. Même en classant un vin grand cru on continue donc de faire le grand écart en fonction des vignerons.
A l’heure où tout le monde veut du Riesling, mettre en avant un cépage aussi décrié que le sylvaner est une chose qu’il faut respecter mais il ne va malheureusement que servir de super sylvaner sur un tarif et il ne sera malheureusement pas pour autant sur une grande table à côté d’un Montrachet ou d’un Haut-Brion.
Reste le personnage pas avare de commentaires sur les collègues mais ça je vous laisse le découvrir vous-même.
Stéphane