C’est en dernières minutes que je prends la direction de Morsbronn-les-Bains en ce mois de février 2016 pour assister à ce repas accords mets/vins organisé par la Source des sens. Il faut bien avouer que le choix des deux domaines y est pour beaucoup.
On ne présente plus le Domaine Pfister qui est un incontournable du Bas-Rhin et cela depuis des décennies, voire même des siècles puisque le domaine date de 1780.
Mélanie Pfister y produit depuis 2006 des cuvées avec beaucoup de rigueurs sur le grand cru Engelberg et les environs de Dahlenheim.
Agnés Paquet a pour sa part repris les vignes familiales en 2001 et vinifie dans le village de Meloisey, dans les Hautes Cotes de Nuits. La production est majoritairement axée sur Auxey Duresse, mais elle produit également des Chassagne, Pommard et Saint Aubin essentiellement sur des « villages »
Pour commencer la soirée et attendre les retardataires bloqués dans leurs chambres ou dans l’ascenseur, on ne saura jamais, le sommelier nous présente un Crémant alsacien.
Crémant extra brut 2008 Domaine Domaine Pfister.
Crémant millésimé donc et en magnum s’il vous plait, un format dont j’ignorais l’existence au domaine. Un nez mûr pour cet assemblage de chardonnay, pinot blanc et auxerrois avec des touches de beurre frais, de fruits jaunes, de poudre de riz avec une patine qui commence à pointer son nez. La bouche est franche avec une mousse compact, une fraicheur affirmée et une petite amertume en finale, qui pourrait convenir à la table. B+
Le Carpaccio de thon rouge à la vinaigrette thaïe voit arriver la première paire de vins.
Chassagne-Montrachet Les Battaudes 2012 Agnes Paquet
Nez encore jeune sur des notes d’élevage mais l’ensemble est d’une belle élégance avec des notes florales, du chèvrefeuille, de la rose fraiche. La bouche est assez stricte mais racée avec beaucoup de fraicheur, de densité et de dynamisme dans un ensemble minéral et sapide. Cette bouteille m’a cloué sur ma chaise. Autant de tension, de précision et de caractère dans un village du coté Santenay est assez rare. TB+
Alsace Cuvée 8 2013 Domaine Pfister
Nez discret, mûr sur des fruits exotiques pour cet assemblage de cépages « nobles », riesling, gewurztraminer, pinot gris et muscat. La bouche est grasse, ample, plutôt sur la largeur avec une matière bien posée sur son socle. Un vin généreux, de terroir certainement marneux, avant une finale croquante et dense. B+
Sur ce plat, le Chassagne montre une belle énergie qui va admirablement souligner le plat là ou la cuvée 8 ne va que l’accompagner. Reste que cet assemblage aux accents plutôt apéritif s’en sort plus que bien sur un plat.
Sur le Filet de merlu et son crémeux aux bulbes de fenouil….
Auxey Duresse Patience N°6 2013 Agnes Paquet
A nouveau des notes d’élevages au nez avant des notes minérales dans un ensemble assez discret et très jeune. La bouche est dense et comme le Chassagne, elle file droit mais reste cette fois assez monolithique et pas très amusante pour tout dire. La finale tannique augmente encore ce coté crispé. Un vin certainement trop jeune pour exprimer les attentes du domaine. B
Alsace grand cru Engelberg Riesling 2012 Domaine Pfister
Nez sur la sardine et le popcorn avec des touches fumées et anisées sur une trame d’écorce d’agrume. La bouche est ferme, puissante, un bloc de pierre avec cette forte minéralité qui tapisse l’ensemble des papilles. Une cuvée qui est toujours redoutable d’efficacité. TB+
Cette fois l’accord majeur est à trouver du coté du grand cru alsacien au niveau des aromes, la chair du poisson étant dominée par les deux vins et la sauce crémeuse du plat.
Nous allons maintenant attaquer les rouges sur le Filet de poulet fermier aux truffes de Provence…
Beaune 1er cru Cuvée Brunet Hospice de Beaune 2011, élevé et mis en bouteille Agnes Paquet
Agnes Paquet est également négociante en vins, et une bande d’amis ont eu la bonne idée de lui faire confiance pour l’élevage de cette cuvée. Nez super fin, élégant sur la mine de crayon, les fruits rouges comme la cerise. La bouche est souple, d’une grande et belle plénitude, tout en souplesse, en retenu et délicatesse. Cuvée qui est déjà à mon sens idéalement ouverte et prête à boire, chose assez curieuse et peut être inquiétante sur un magnum de 2011. TB
Alsace Pinot noir Rahn 2012 Domaine Pfister
Nez très jeune sur le jus de fruits, la grenadine, la groseille avec une pointe végétale, ronce. La bouche est juteuse, stricte, sur une grande et franche fraicheur. Un pinot noir droit, finement torréfié, rigoureux qu’il faudra attendre. B+
Une fois encore c’est la bourgogne qui marque le point. Le Beaune et son caractère affirmé plus complexe va jouer à merveille avec la puissance du plat là ou le pinot noir alsacien n’est pas encore prêt à tout donner.
Pour terminer…Entremet chocolat-griotte…avec un moelleux…et bien non…..
Pommard Les Combes 2012 Agnes Paquet
Nez sur les épices et les fruits noirs. Les tannins accrochent un peu dans un ensemble charpenté à l’amertume un peu trop prononcée. Un vin qui force un peu le passage pour s’imposer. Un vin largement desservi par le plat. B
Là, c’est la blague de la soirée, il faut de l’audace pour essayer d’accorder du chocolat avec un pommard, il faudra de la bravoure pour reconnaître que c’est une catastrophe. Le vin gagne en dureté, le boire devient même pénible.
Un repas intéressant et une belle initiative de la Source des Sens qui organise souvent ce genre de repas avec la mise en parallèle de deux domaines.
Je connais assez bien les vins du domaine Pfister et je ne suis absolument pas surpris de les trouver à ce niveau. Des vins solides exprimant sans concession les terroirs dont ils sont issus.
A l’inverse le domaine Paquet est une véritable découverte même si j’avais trouvé un Saint Aubin pour notre club AOC de Barr. J’ai hâte de le gouter au milieu des autres stars de l’appellation. Des vins précis, frais et tendus sur des élevages luxueux.
Pour les accords, je vais retenir le Carpaccio de Thon et le Chassagne, un mariage superbe. Pour l’ordre des vins j’aurais préféré boire un crémant de bourgogne du domaine Paquet en apéro et finir sur un moelleux de Pfister pour le dessert, accord classique mais nous aurions au moins évité la catastrophe !! Pommard et Chocolat !! Allo quoi !!! Comment un restaurant avec autant d’expérience dans les accords peut proposer cela ? bref…
Stéphane