En fin d’année le club AOC de Barr propose souvent une soirée prestige et vins de fêtes, Champagne en 2013, Sauternes en 2012, ou encore Rhône nord en 2011. Cette fin d’année 2014 va encore une fois être orientée vers une appellation festive avec le Burgenland autrichien.
Situé autour du lac Neusiedl, à la frontière hongroise, cette appellation s’étend sur 16.000 hectares, soit un peu plus que l’Alsace pour se repérer.
On distingue 4 secteurs différents :
Le Mittelburgenland au centre, célèbre pour son blaufränkisch tannique et rustique.
Le Neusiedlersee (le lac de Neusiedl) avec le Seewinkel à l’Est du lac avec des vins peu acides, à boire jeunes mais aussi parmi les meilleurs liquoreux.
Le Südburgenland (au Sud) avec de bons vins rouges et blancs secs.
Le Neusiedlersee-Hügelland sur la rive occidentale du lac très renommé pour ses liquoreux mais aussi des blancs secs et des rouges opulents. C’est également ici que l’on élabore le Ruster Ausbruch du nom de la ville de Rust.
La classification de la qualité des vins reprend le système allemand.
Tafelwein : vin de table
Landwein : vin de pays
Qualitätwein : vin de qualité qui peut être chaptalisé
Kabinett : vin de qualité qui ne peut pas être chaptalisé
Prädikatswein : ne peuvent être ni chaptalisés ni enrichis. Ce sont des vins moelleux et liquoreux.
-Spätlese : vendanges tardives
-Auslese : Grains sélectionnés
-Beerenauslese : sélection de grains nobles
-Ausbruch : grains surmûris, naturellement flétris, avec pourriture noble auxquels sont rajoutés des grappes de raisins « frais » afin de faciliter le démarrage de la fermentation.
-Trockenbeerenauslese (TBA) : sélection de grains nobles secs
-Eiswein : les raisins doivent être gelés au moment des vendanges et du pressurage.
-Strohwein : équivalent du vin de paille du Jura ou du vin santo grec ou italien : grains stockés au moins 3 mois sur la paille ou les joncs.
Les cépages blancs sont le riesling, le welschriesling, le weissburgunder, le muller-thurgau, le grüner-veltliner et le muscat ottonel.
Dégustation en aveugle par ordre croissant de SR. Les prix sont pour 1 demi-bouteille, format habituel pour ces cuvées.
Burgenland Muskat Ottonel Auslese 2010 Weinlaubenhof Kracher. (12 euros)
Robe paille brillante. Nez clairement tourné sur le muscat avec de l’abricot mûr, du pralin, de la rose dans un style chaud. Bouche moelleuse avec une liqueur grasse et épaisse sur une acidité faible bien fondue. Un vin lisse, assez neutre mais sans grande définition et dominé par le sucre. L’ensemble reste toutefois croquant et joueur. 15/20
Burgenland Zweigelt Beerenauslese 2012 Weinlaubenhof Kracher. (18 euros)
Robe tendre, œil de perdrix. Petits fruits rouges au nez comme la fraise, le sirop de grenadine sur un fond herbacé. Le tout étant assez discret. Bouche fraiche sur une liqueur élancée et fine très digeste mais à nouveau simple. Une curiosité agréable à découvrir et déguster. Finale un peu chaude sur la fraise. Cuvée avec 100% Zweigelt, 97 g/l de SR et 5.5 g/l d’acidité. 14.5/20
Burgenland Beerenauslese Cuvée 2010 Peter Schandl. (18 euros)
Robe dorée, orangée. Nez curieux et pas top sur le caoutchouc, le cuir avec des fruits secs et de la pâte de fruits. Grosse liqueur avec une acidité marquée tenant le vin dans la largeur. L’ensemble est puissant, massif avec tout de même un coté juteux intéressant jusqu’à la finale frétillante. Dommage pour ce nez vraiment pas en place qui fait baisser la note. 11/20
Burgenland Seewinker Beerenauslese 2008 Weingut Velich. (17 euros)
Robe ambrée façon cognac. Nez sur le chocolat, le pruneau, le raisin de Corinthe, les épices douces, le café, le caramel. Acidité franche en attaque sur une liqueur fine enveloppant la bouche. L’ensemble parait toutefois massif par les sucres et manquant un peu de fond. Le style est léger et simple. 13/20
Burgenland Ruster Ausbruch Welschriesling 2011 Weingut Triebaumer. (30 euros)
Nez herbacé sur la fougère, le sous-bois, le champignon blanc, le melon. Liqueur fine et grasse sur une couche de gaz et une acidité plutôt sage et qui ne marque pas l’ambiance. La bouche est aérienne, élancée, sapide avec du fond et du jus. 15/20
Burgenland Ruster Ausbruch 2007 Peter Schandl. (25 euros)
Robe dorée. Nez net sur les fruits confits, avec des touches boisées, de l’abricot, de l’after-eight, de l’eucalyptus. La bouche est ronde, moelleuse et grasse mais aussi ample et généreuse sans lourdeur. L’équilibre est charnue, le tout glisse admirablement vers une finale longue. Belle bouteille. 16.5/20
Burgenland Schifwein tradition 2009 Weingut Nekowitsch. (30 euros)
Robe jaune fluo. Nez discret pas très net sur le cuir et des relents brulés et torréfiés. Liqueur fraiche sur des notes de cuir dans un profil manquant de définition et de brillance. 12/20
Burgenland Eiswein Gruner Veltliner 2010 Zantho. (19 euros)
Couleur légèrement ambrée. Pommes cuites au nez façon tarte tatin sur un fond iodé et des touches de mandarine. La bouche est moelleuse et ne fait pas dans la grande liqueur. L’acidité est un peu limite pour trouver l’équilibre mais ce vin présente toutefois un coté friand et buvable, pour tout dire agréable. 14/20
Vin de chine Golden Icewine Valley 2009 Vidal. (30 euros)
Robe très dorée. Nez presque écœurant sur le caramel au beurre salé, la pomme cuite, le champignon sec façon morille. La bouche est malique à 200% sur des senteurs de carton et une liqueur pas vraiment en place. L’Autriche a encore une bonne longueur d’avance. 10/20 pour l’effort et le voyage.
Burgenland Trockenbeerenauslese 2007 Joseph Lentsch. (20 euros)
Robe ambrée. Nez sur le botrytis avec des notes poudreuses puis du caoutchouc, du cuir, de l’abricot sec, du café froid, du tabac tout aussi froid. La bouche est ample et grasse sur une liqueur importante, trop importante, massive et collante. Cette chape de sucre occulte toute sensation de profondeur et de terroir. 11/20
Burgenland Trockenbeerenauslese Weinlaubenhof Kracher. (25 euros)
Nez torréfié, botrytisé sur de belles notes de mandarines. La bouche est superbe, fine, très fraiche présentant une liqueur digeste, une acidité bien marquée en milieu de bouche avec de la race, de la précision, de la définition sur une profondeur toute de même moyenne mais cela n’est pas bien grave. Beaucoup d’élégance dans cette cuvée. Finale très fraiche qui appelle le second verre. Cuvée avec 55% de Welschriesling, 40% de chardonnay et 5% de Traminer, 194 g/l de SR et 7.2 g/l d’acidité. 17/20
Burgenland Grande Cuvée Nouvelle vague 2010 Trockenbeerenauslese N°6 Weinlaubenhof Kracher. (53 euros)
Robe dorée aux reflets cuivrés. Nez sur la poire, le poivre blanc, le raisin frais, avec d’élégantes notes boisées et des touches de pâtisseries. Très grosse liqueur en attaque avec de l’ampleur une acidité fondue allégeant un peu le coté massif du breuvage. Encore une fois une profondeur moyenne mais beaucoup plus de concentration sur cette cuvée N°6. Très longue finale sur la liqueur et une superbe amertume fine. Cuvée avec 60% de chardonnay et 40% de Welschriesling, 204 g/l de SR et 9.4 g/l d’acidité. 17.5/20
Burgenland Scheurebe 2010 Trockenbeerenauslese N°10 Weinlaubenhof Kracher. (58 euros)
Robe viel or. Nez sur la mélisse, la citronnelle, les agrumes frais, le thym et les chocolat after-eight. Bouche très grasse, enrobée sur une acidité très fine mais puissante, en filigrane, ciselée avec précision, la bouche malgré presque 300 g de sucre ne vire jamais dans la lourdeur. Finale ultra longue. Cuvée avec 100% de Scheurebe, 297 g/l de SR et 10.2 g/l d’acidité. Un monstre sur le papier, du velours dans le verre. 19/20
Nous n’avons pas exploré tous les domaines et encore moins toutes les cuvées liquoreuses du Burgenland mais sur notre sélection il y a indéniablement deux mondes. Kracher et les autres, et l’écart est plutôt conséquent. On sent de suite une grande maitrise du sujet, le challenge est encore plus grand quand on connaît le nombre de cuvées élaborées chaque année.
De façon globale, pour une région qui est connu, reconnu pour ses liquoreux j’avais plus d’attente et je suis donc un peu déçu par cette soirée. Même si certaines cuvées sont remarquables elles n’ont pas la puissance rôties et l’onctuosité des Sauternes ou la finesse et la brillance des meilleurs VT ou SGN alsaciennes. Le botrytis est noble et son arrivée est facilitée par le climat particulier de ce coin d’Autriche mais le terroir léger, sableux par endroit impose certainement ses limites.
Stéphane